mercredi 25 mars 2009

Un tiers de faux rhum

"Une vie dans le marché
Préserve du péché"

Le courrier des lecteurs (trices)
Une lectrice anonyme, Pascale L., nous adresse le message suivant :

"Ouiche, bon, très bien tout ça, mais voilà, par moment, vot'truc, c'est compliqué, trop d'allusions à ceci, de renvois à celà... Faites simple !".

Réponse du "Pivert" :

Chère Pascale L., votre faim de simplicité est légitime ! Etonnez-vous, levez-vous un matin avec une pêche d'enfer, la gniaque, le challenge aux mâchoires, libérez votre vie au quotidien, n'écoutez que vous, fermez-vous aux rumeurs, à vos voisins, à votre chef d'atelier et aux étrangers. Avec un double topset, un yaourt maigre et une orange outspan, vous croquerez la vie au niveau du feeling.
Ainsi, Pascale L., vous vous réaliserez à donf, point barre.
Mais ayez garde de trop vous mêler de problématiques extra-vitales; une pyramide dégressive des priorités éclaire nos choix systémiques par une articulation rationnelle de l'input "vie" et de l'output "réel", on va dire. En celà, nul recours à des supra-dialectiques empruntées aux anciennes morales, seule reste l'exigence du vécu au jour le jour.

Et gare aux mélanges et aux addictions ! Une vie simple et claire ne peut s'accomoder de trois heures quotidiennes de "Gala", "Voici" et de Louis Althusser ou Pierre Bourdieu. Rafraîchissez vos méninges; si, hélas, "L'île de la tentation" n'est plus diffusée sur TF1, vérifiez ce qu'il en est de "Koh Lanta". Ainsi, pour le bureau et les comptoirs de bistrots, vous disposerez de réserves inépuisables de sociabilité langagière.

Vous serez open, on va dire. Sur le monde, les autres, vous.

Ecrivez-nous de nouveau dès que vous aurez constaté les effets de nos conseils, Pascale L., et merci pour votre fidélité !"

Le Pivert de Marceau

Un tiers de faux rhum

Curieux pélerinage; par la seine, par les chemins creux, dalles et sentiers, traînant leurs capes pesantes, vidant à peine leurs gourdes de potages et de vins, ils s'en viennent chaque matin frapper aux portes de l'édifice de verre appelé "paryseine", aspirent à vendre leur force de travail au Seigneur Fort Homme.

Longue attente sous les pluies, les capes fouettées par la bise glaciale; le Seigneur apparaît, une tiare sertie de diamants de la civilisation Ünhiv Erpaush surplombant sa ronde tête sévère. Il rompt le silence soumis par des mots qui injectent les parois auditives telles des ondes délirantes : "Il nous manque trois briques pour faire le budget".

Et les pélerins de n'y plus tenir, les capes de valdinguer, heurts de mâchoires édentées et crânes implosés : y'a donc du boulot. "Nan mais où c'est qu't'a appris la gestion? Ton école de commerce, c'était l'foyer des cons ?" .

Et les gueules cassées par le froid de se disloquer sous la puissante déconvenue. Et la procession de s'en retourner vers les terres reculées où elle irait noyer la désespérance, et se saoûler allègrement la tronche d'avoir échappé à pareil destin.

Il y eut un soir, il n'y eut pas de matin, c'était un "bis", ce fut un "ter" de Fort Homme".

Le récit qui précède n'est accessible qu'à qui s'y reconnaîtra. Marceau, je t'expliquerai. C'est une histoire de capitalisme.



lundi 23 mars 2009

Rien au-delà...?


"Instants d'ivresse et de consolation : le marché est là qui veille"

Marceau, ce temps sismique est effroyable, et peut aussi être intéressant... tant qu'on n'en subit pas frontalement les horreurs.
C'est mon cas. J'ai mon lot d'incertitudes, d'angoisses parfois, rien qui, pour le moment, justifie une quelconque émotion sur moi-même; les victimes de la catastrophe sont nombreuses, beaucoup souffrent. Les Livres ont amorti le premier choc de la crise, après avoir vaincu bien des caprices de l'économie pendant plus de 500 ans d'existence; les circuits économiques de l'Edition pâtiront du million de chômeurs supplémentaires prévisibles à l'horizon 2010, les Livres resteront.
Savoir si on sera encore dans l'aventure à ce moment...
Le propre des crises du capitalisme est d'interdire de le savoir, précisément.
Humilité forcée devant un destin sans complexes.

Notre monde se sait dans un temps chaotique, mais reste incrédule.
Pour beaucoup, beaucoup trop, celles, ceux dont on vide les logements, dont on supprime le travail, dont on essaye d'abolir la vie-même, ce sont... les autres.
Tant que ce sont les autres, c'est triste, c'est dur, mais la tragédie s'arrête pile où il faut : moi. Donc, pas vraiment une tragédie, puisque tout va redémarrer avant qu'on imagine toucher à un bout de mes ongles.
La vie continue. Merde. Je réserve mes sports d'hiver, mon vol pour le Maroc et mes places pour Johnny; je donne pour la lutte contre les maladies génétiques, alors qu' "ils" n'essayent pas d'augmenter mes impôts ou de m'empêcher de prendre cinq bains par jour si je veux.
Et pas-touche à mon emploi ("mon job", plus moderne), ou je me syndicalise. Oui, bon , syndique.
Des incapables, les syndicats. Ils auront intérêt à se bouger pour moi.

Et donc, Marceau, une partie du monde, à l'intérieur-même de l'Occident comme à l'extérieur, joue à sa p'tite entreprise qui ne connaît pas la crise. Pas contre l'autre partie, mais sans elle. Le doute poindra à la première vision d'une soupe populaire massive, commentée par Claire Chazal. Il sera encore temps de se singulariser par rapport aux "gens", par la grâce du système "D".

Par la grâce d'Irène Némirovski nous savons ce que peuvent devenir les agneaux anonymes du quotidien, quand la pitance vient à leur manquer. Les faces hideuses du système D.

Pivert, mon Camarade, épargne-nous tes enthousiasmes pour le potentiel de soulèvement populaire à Sevran, avec toutes ces minorités opprimées. Profite plutôt de tes délassements célestes pour sauter de ton nuage et rendre visite à une Camarade, une grande et vraie militante socialiste jusqu'à sa mort dans les années 90, Colette Audry. Elle manque à ses semblables qui ne le savent pas assez; ce temps s'est vidé des grands Esprits, "la gauche" officielle n'en compte plus beaucoup, reste l'inaltérable souvenir de cette grande "popereniste". Grande voix, foi indémontable dans le socialisme, disciple de Simone de Beauvoir, collaboratrice des "Temps Modernes", auteur de quelques fascicules de formation militante du PS et surtout de Livres, dont "Léon Blum ou la politique du juste" et celui-ci qui retranscrit sa correspondance avec un ecclesiaste. Oui, Marceau. La militante laïque et l'homme d'Eglise.

Son titre ressemble à un rictus narquois pour cette crise actuelle du capitalisme qu'elle n'aura pas connue : "Rien au-delà".

Salue-la bien respectueusement pour moi.

Post scriptum de rigueur : cherché la biographie de Colette Audry sur internet, trouvé des détails sur ses amours avec sa domestique... et trouvé cette photo. Vous vous connaissiez donc; on vous voit tous les deux (tu es d'une élégance de star, là-dessus, Marceau) avec Breton au procès d'un dirigeant du MNA.

jeudi 19 mars 2009

"Sevran, ville du Monde"


"Le marché est aux puces ce que le veau est à la paupiette"


Message comminatoire du Parrain officieux du blog, Marceau Pivert, reçu ce matin :

"Vous nous cassez les pieds, Monsieur, avec ce blog où reviennent pêle-mêle vos souvenirs de militant, vos petites tortures morales et, surtout, ces allusions à cette ville de Sevran que personne ne connaît! Ces techniques de communication modernes, qui paraissent se jouer de la tutelle des PTT, vous permettent d'allonger cent bétises à la ligne et à la seconde sans que vous vous souciiez le moins du monde de leur lisibilité.

Sapristi, si j'ai un droit, en tant que parrain républicain mais involontaire de ce "blogg", c'est bien de savoir ce qu'est cette ville de Sevran.

Veuillez agréer, Monsieur..." etc...

Comme il y va.

Avant d'aller sur ce terrain, une incise urgente : Marceau, la crise qui nous frappe a une odeur de plus en plus fétide.
Ca licencie à tour de bras, partout. Grave, en soi, si on en juge par les fortunes amassées par les entreprises qui licencient et les légitimes indignations que ces licenciements suscitent. Mais plus grave encore, Marceau, et ça va te parler : la désillusion, le désespoir, la rage parfois, montent chez les victimes des "restructurations" (dieu que le mot est donc doux). Et pour cause : au-delà de l'injustice de la situation qui leur est faite, il y a la totale vanité des formations et reclassements qu'on leur propose, la quantité d'emplois disponibles, surtout industriels, s'amenuisant au point d'anéantir des "bassins d'emplois" (autre beauté du langage économique) aux effectifs les plus nombreux.

Marceau, ils disent qu'ils n'ont rien à perdre. Ca t'a une odeur de radicalité qui se déploie comme la nuée.
Avec cette question essentielle sur la capacité de la gauche politique et syndicale d'apporter réponses et propositions assez convaincantes pour rassurer les salarié(e)s, si peu que ce soit, et maintenir de la raison là où l'exaspération gagne légitimement.
On sait qu'une gauche digne de ce nom se battra sur les idées qui fondent son existence : la redistribution des richesses et le maintien (voire le développement) des services publics.
On peut rêver qu'elle en profite pour délivrer un message républicain sur l'urgence de la citoyenneté, et sur ce vivre ensemble fraternel, universel et creuset de l'internationalisme qu'on nomme Nation.

Une parenthèse pivertienne
Autre question, sans trop de lien avec ce qui précède, qui germe dans l'esprit du rédacteur, à 22h40 ce jeudi 19 mars : lorsque tu es revenu à la SFIO, après-guerre, était-ce dans l'esprit du "A l'échelle humaine" de Blum? Une inflexion politique et philosophique, explicable par le poids du PCF et son positionnement politique dans la guerre froide, et la crainte d'issues révolutionnaires incontrôlables aux conflits sociaux, très nombreux après-guerre? Une discrète attirance pour la démocratie chrétienne, perceptible en filigrane chez Blum et toujours en lien avec la guerre froide?
Mais non, Marceau, la question ne vaut pas jugement politique! Encore moins procès ! On n'est plus en guerre froide !
Je pourrais comprendre que tes rapports orageux avec le PCF avant guerre, l'assassinat de Trotsky, et le déploiement du stalinisme soviétique aient aiguisé ta méfiance, puis ton adversité vis-à-vis des communistes après la libération; c'est arrivé à bien d'autres (dont certains fondateurs du futur PSU, mais aussi des trotskystes. On pense à Boussel, Broué, beaucoup d'autres).

C'est bon, je remballe ma question.
Dis, Pivert, les réunions du PSOP n'ont pas dû être une partie de plaisir tous les jours...

ON FERME LA PARENTHESE - RETOUR A SEVRAN

Tout en haut de la page, c'est la carte de Sevran.
Tu l'as remarqué aussi : Sevran ressemble à Paris.
Enfin, sur la carte. Dans la réalité, il y a de la marge, pour sûr.

D'emblée, ce constat sans plus d'appel que de justification : Cathrine et moi aimons Sevran.
Le fait d'y vivre depuis 23 ans, sans doute.
Et une part d'attachement irrationnel vis-à-vis d'une Ville qui n'a rien d'attachant.

Rien?
Mazette. Vite expédié. Revenons-y (ci-dessous, c'est Sevran fin XIXème siècle).

Sevran attire par et pour son Histoire.
Difficile et fastidieux de faire état de presque trois siècles de Sevran (et puis tu t'endormirais. Oui, bien sûr, les autres aussi); l'Histoire d'autres villes peut s'être figée à une époque ou une autre, la marche historique de Sevran, elle, est continue, depuis ses premiers atours de village (début XIXème semble-t-il), son développement comme ville du nord-est de Paris à dominante rurale, devenant industrielle au XXème siècle (Kodak, Westinghouse), fondue dans les "banlieues" fin des années 70 et, depuis, en re-définition permanente sous la contrainte économique : Kodak et Westinghouse ont disparu, les barres d'immeubles ont poussé et acceuilli des populations précaires, les ressources se sont taries; une ville en quête permanente de nouveaux dynamismes et de droit à la pérennité. Le Maire actuel, on en parlera plus tard, y consacre à peu près sa vie (l'expression "Sevran, ville du monde" ci-dessus est de lui).

Ce qui attire... Peut-être l'effet village gaulois. Toute la Gaule est tétanisée. Toute? Non! Une ville de l'ex seine et oise, aujourd'hui seine saint denis, résiste tant bien que mal à... tout. A l'économie. A la violence urbaine et sociale latente. A l'indifférence et au vide.

Il y a cette obstination d'une part de cette ville moyenne de banlieue ("moyenne" et "banlieue", deux mots qui suffisent à te déclasser une Ville pour longtemps) à rester villageoise.
Sommeille dans la Ville l'esprit du village qu'elle a été. Les décennies et des conneries urbanistiques n'en sont pas venues à bout. On doit être quelques-uns à se projeter dans ces atômes d'ancien, autant de refus souterrain de tourner la page.

Il y a des communautés.
Puzzle vertigineux, Marceau! 150 ou 170 nationalités différentes composent une population de 50 000 habitants. Le "vivre ensemble" a du sens. Intégrer sans moyenniser ni réduire, ça te fait une politique publique. Croiser dans la même journée tel tunisien, tels araméens, telles italiennes, tels chinois, des sri-lankais, des thaïlandais (nos voisins), dans une Ville construite par des arméniens, des polonais...

On ne décide pas de se prendre de passion, on se constate passionné. Pour ce qui concerne Cathrine et moi, par une hâte irraisonnée de quitter Paris après des heures de travail pour retrouver Sevran. On en rirait. Mais non, nous aimons revenir à Sevran, en tout cas dans cette partie sud proche du canal de l'Ourcq et du parc national forestier. Qu'en serait-il si nous vivions aux Beaudottes? Excellente question qui restera sans réponse, on la devine bien.

Court aperçu des Beaudottes.
Chaque pierre de ces édifices a des allures de pied de nez ou de bras d'honneur pour les habitants. "Tu as voulu venir ici? Bon courage."

Va contre un message comme ça...



Non, ce n'est pas seulement ça qui donne envie de traiter de cette Ville.
Peut-être aussi ça.
Tu parcours négligemment une rue pavillonnaire et ses mille et uns pavillons, à peu près tous semblables. Comme partout. Et soudain, devant toi, un cube de béton gris, lourd, planté là on ne sait comment ni pourquoi. Du pur cubiste, sans doute du Bauhaus.

C'est ça aussi, cette Ville.
Elle arrive à surprendre par un détail, de l'inattendu, quelque part, n'importe-où.

Il y a surtout ses habitants. Gros dossier.
Mais on en reste là, pour le moment.
C'est samedi, Marceau Pivert, il fait beau. Oui, les arbustes continuent leur croissance; le mimosa de la cabane, que Cathrine croyait vaincu par le froid et le gel, renaît peu à peu.

Et je vais me promener.

mardi 17 mars 2009

Si par une nuit d'hiver un manager...

"Tout est tard qui n'arrive tôt, mais le marché est toujours à l'heure"


La fatigue a en commun avec la robe de mariée qu'on ne s'en sépare qu'après l'avoir traînée. En celà la fatigue se pose en maîtresse quasi-abusive, toute à ses charmes baroques et inconsciente de ses travers de balayette à bordures dorées.

Le fil électrique fatigué se noue; posture protestataire obstructive. Il n'est pas jusqu'au tiroir de la commode Ikea qui ne fasse geste de fatigue par un blocage astucieux en milieu de parcours, laissant dépasser les cohortes de chaussettes en révolte contre leur cage en carton, elles-mêmes prêtes à former cortège et entonner la sarabande des textiles en colère.

La fatigue est la hantise des périphériques et le nanan des bonimenteurs.
La fatigue est un barrage à la chinoise, lourde, massive, prête à éclater à tout moment et ensevelir jusqu'à la particule atomique d'insouciance.

Marceau, cher Camarade de lutte, passons par les armes les troupeaux de vilains qui endeuillent l'intelligence humaine de leur insatiable connerie, épargnons les parangons de l'éternité rigolarde, dans le désordre Louis Ducatel, le général Bigeard, l'ancien directeur de la communication de la SNCF dans les années 80, Jean Pichon, Jean-Pierre Gaillard, Marcel Barbu, l'ancien Maire de Sète Soldani, Alain Madelin, Monty, feu Mike Brant, Ringo (le mari de Sheila) et tant d'autres.

Mais le temps est venu d'un vibrant Requiem pour une fatigue humaine.
L'ennemie du Peuple, l'affameuse des vitalistes (elle a bien raison, je hais les vitalistes), la Mata Hari des insomniaques.

Elle n'a pas eu Hitler, Soupault aurait pu la suppléer mais ne lui manquait que son revolver.

Elle m'a eu. Je prétends résister au temps, elle m'envoit me coucher. Un comble.
Tu n'as pas une vieille motion du PSOP condamnant la fatigue?

lundi 16 mars 2009

L'amour périclitant pour une autoroute à quatre voies.


"Dieu et le marché ont beaucoup à s'apprendre, mutuellement"

Cher Marceau, l'esprit a parfois des envies désarmantes de légèreté.
En marchant dans un parc, une forêt, au milieu d'une allée, curieusement le poids du monde paraît être resté à l'entrée. S'ils sont assez distants d'une route, le parc, la forêt t'immergent dans leur scénario, mystère, silence, arbres, une bête à pattes ou à ailes, un coup de vent, n'importe-quoi peut survenir mais sensation, naïve sans doute, que le danger est ailleurs. Et aussi toute pesanteur.
Et toute peur.
Enfermé dans du léger, hors toute emprise, que celle bienveillante du silence.

Oui, Marceau, mon Pivert de Camarade, je rêve.
Cette chose-blog à laquelle tu es associé malgré toi se nomme "rêvons-respirons".
Ah, par pitié ! Pas d'humour sur la douce poésie de la fraiseuse-perçeuse, à l'usine dès six heures le matin, pas d'humour rugueux sur la lancinante douceur du contremaître et des petits chefs. On en a soupé, de cette imagerie ouvriériste.
Il me semblait que tu lui avais donné congé.






Bon, plan d'action. Du PMT à satiété. On s'appelle, Marceau, on se prend un café, on parle business.


Chemise blanche manches courtes et cravate. Lunettes Essilor bienvenues.

Ah, de la modernité, Marceau ! Le petit vin blanc sous les tonnelles, bien joli, mais c'est la crise, c'est des opportunités en pagaille, tu me regardes les cours du CAC40 et on parle de tes commentaires et conclusions. Tu me fais une prés' (oui, dans ton temps rassis et poussiéreux, on appelait ça "présentation", et si on en faisait autant aujourd'hui, pendant qu'on perdrait du temps à prononcer "présentation" il sortirait quarante voitures des chaînes indiennes. Tu y as pensé, à ça?), avec un powerpoint.

Powerpoint, Marceau.

Oui, je te le répèterai. Mais bon sang adapte-toi.Tu l'aurais utilisé jadis, le powerpoint, que "Bataille socialiste" aurait été majo au congrès de 1938.


Reste que ça bouge, Marceau, ça bouge.
Toi qui voulais du mouvement.


Bientôt, il sera question, ici-même, de Sevran, trésor ignoré de l'Humanité, joyau de l'urbanisme, foyer d'irénie. De son Cinéma, immense cathédrale au destin imprévisible. De toi, Marceau. Tes railleries n'y feront rien : je ricanais plus haut, mais j'ai ton Histoire en tête.

Merci pour ton concours.

dimanche 15 mars 2009

Laissez-moi parler, Marceau Pivert !

"Le marché m'est apparu, et tout m'a semblé beau".


Il fallait s'attendre à ce que mon ami Marceau réagît au dernier message sur le mouvement.

"J'ai lu votre texte, avec ce titre curieux sur la moustache irrésolue. Mon jeune ami, j'espère seulement qu'il n'y a pas là d'allusion à la mienne", écrit-il d'abord. Rassure-toi, Marceau. Trop de respect.
Il poursuit : "Je le trouve au mieux ambigu, au pire contraire aux principes que vous dites défendre". Bigre. "Cette charge contre le mouvement ne cache-t-elle pas une défiance vis-à-vis de la liberté d'aller et venir, acheter une baguette de pain, aller à des réunions publiques, au bal, au cinématographe et au théâtre? Que dire des efforts du front populaire pour promouvoir l'activité physique, le dépassement de soi? J'ai bien peur que vos grandes idées philosophiques bien abstraites s'accomodent d'une classe ouvrière attelée à la machine, enfermée sans exutoire possible dans son travail et la tentative d'en récupérer, dans un temps très court.
La liberté des uns, vous et d'autres, de "poser les valises" comme vous l'écrivez, et celle de la classe ouvrière de travailler et de rien pouvoir faire d'autre. Bravo. Vous confirmez mes doutes sur ces gens qui se disent de gauche mais ont le plus grand mal à le prouver et se le prouver.
On en parlera autour d'une Suze, si vous voulez.
Ou d'un Pastis Duval.

A moins que vous préfériez un petit vin blanc.
Je connais une guinguette près de Nogent. Tenue par un Camarade et sa Femme.
J'attends de vos nouvelles
Salut et fraternité - M.P.".

Dimanche printanier. Non, Marceau, je ne dévie pas de nos échanges. J'en profite pour te faire part de mon plaisir simple devant un ciel lumineux, une opulence claire et chaude qui accompagne ce jour, envoit à nos arbustes le signal de leur épanouissement.
Et, sur les visages de tant de mes contemporains, fait revenir enfin quelques traits insouciants, des sourires un peu hésitants.
Le long du canal de l'Ourcq aujourd'hui, tu aurais retrouvé sur la piste cyclable qui relie Paris à Meaux des images à jamais symboles de juin 1936, familles en promenade, cyclistes, pécheurs, sous un ciel presque bleu.

J'aurais pu faire plus simple. Dans le précédent message, préciser que le piège n'est pas dans le mouvement lui-même, évidemment naturel et bien sûr à encourager, mais dans l'arraisonnement du mouvement par l'économie. L'économie, valeur ultra-dominante, a fait du mouvement un impératif : qui ne "bouge" pas n'est pas dans le "mouvement" et s'exclut de lui-même de l'économie. L'économie régit tout, nos vies en dépendent, ce qui interdit de s'en exclure.

Tu les entendrais, Marceau ! Ils ont le mot "bouger" dans leurs becs, tels des perroquets. "Ca bouge", "il faut bouger", "le monde bouge".

"I want to move it move it !"

Quand l'arrêt du mouvement et tout ce qu'il autorise, la contemplation, le statique, deviennent à ce point suspects (une ministre de l'économie et des finances a dit qu'il valait mieux agir que réfléchir), il y a de quoi se demander si l'exigence de mouvement ne contient pas des germes de totalitarisme, après avoir été indice si flagrant d'angoisse collective.

... Ce n'est pas à toi, vieux militant, que j'apprendrai les vertus d'une grève de temps en temps. Et que pas de meilleur moyen d'entraver la marche utilitariste que d'aller au théâtre, au cinéma, au concert, en librairie.
Tout ce que nos libéraux n'aiment pas.

Bon.


Pour l'instant, Cathrine et moi nous administrons du Bashung, en perfusion. Tu partagerais notre tristesse si tu étais de ce temps, non parce qu'il est mort, non parce que les média se jettent sur son cadavre pour qu'il exhale du consensus larmoyant, mais parce qu'il y avait du modèle dans cet homme-là, distance, recul et simplicité, parce que ses textes prenaient en charge nos aspirations au rêve, à l'évasion par le jeu de mots et d'esprits, avec simplicité et amitié.

Parce qu'il avait de l'unique, du précieux.




Bonne nuit, Marceau, bonne nuit, Bashung.

jeudi 12 mars 2009

L'irrésolution de la moustache

"Un peu de marché éloigne de la dure réalité, beaucoup de marché y ramène"

Pas de tristesse à avoir.

Juste des mélancolies douces et passagères, évoluer au milieu des autres avec à l'esprit la plainte lancinante des insuffisances de la vie, et, sur le visage, l'expression d'un bonheur approximatif. Lucide. De ces bonheurs exempts de naïveté et d'auto-persuasion. Une raison pratique, en somme, à quoi l'exercice de vivre pourrait bien se ramener.

Et tout irait bien, si bien.
Mais qu'on ne s'avise pas de vouloir arrêter la course, poser les valises. Va pour la raison pratique, mais que rien n'interrompe la marche. Vers quoi? Nul ne sait, mais marchons. Plus vite, plus fort. Le mouvement, principe et finalité auquel la vie pourrait bien se ramener, si l'on en croit... un peu tout le monde.
"Votre raison pratique, là, vous la rangez au Musée des rêveurs si ça doit nous faire arrêter la machine".

Mais si, Marceau, tu sais à quoi je pense. Le mouvement en tant que sa propre fin, hors lequel l'Humanité est saisie d'angoisse, ça te parle...

Taguieff a écrit un "Résister au bougisme". Le bougisme, ou "mouvement pour le mouvement", dans une société qui ne sait plus s'arrêter. Tétanisée par l'angoisse de l'arrêt, toute à la conjuration du vide. Intolérable, le vide. Et plus encore le silence. Vide et silence, auxquels on peut raccrocher la pensée, le doute, l'introspection, l'inverse de tout ce que la modernité sécrète et dont elle se nourrit, et la mène à un néant (qui n'est même pas vide, pour notre malchance) porteur d'extraordinaires périls.

Et donc il faut avancer pour avancer, vouloir pour vouloir, proscrire le doute.
C'est une autre idéologie dominante, Marceau, à la source du capitalisme - et d'ailleurs le capitalisme en est partie prenante et portante. Les "intellectuels de gauche" (ou tant d'entre eux qui se sont approprié le concept sans trop de gène, et du coup le concept est à affiner), ne doutent jamais tant que quand "la gauche" est aux affaires; que les partisans d'une économie de marché dominante reprennent le gouvernail, et voilà nos "intellectuels de gauche" comme rassurés. En paix. Le doute devient option un moment, suspect très rapidement, la certitude d'un cadre général sécurisé, à dominante économique et libérale, à l'intérieur duquel pourrait éclore une politique sociale (la seconde étroitement tributaire du premier), devient doxa. Le monde peut tourner rond et le bougisme tourne intellectuel. Si la victoire sur le capitalisme nous débarrassait à jamais du bougisme, j'en ferais volontiers mon horizon.

Mes contemporains comprendraient-ils que seule une partie infime du chemin serait parcourue tant qu'ils ne critiqueraient pas leur besoin obsessionnel du mouvement?

mardi 10 mars 2009

Eternité de Maurice Berteaux


"Rêver du marché, se réveiller meilleur"

C'est l'heure des aveux, Marceau, j'ai besoin de vacances.

Ah, il fallait bien que tu y ailles de ta petite raillerie, sur le cadre d'entreprise dont le seul défi quotidien est de grimper dans le RER (sais-tu seulement ce que c'est?) pour aller vendre sa force de travail, sans la mettre à profit pour se battre. Pour la justice, contre l'inégalité, contre le patronat, contre le fascisme...

On a la mémoire courte, Pivert.

Pas d'ironie. Ou bien, tiens, je te sors une photo qui va te faire réflechir.
Regarde, là, à droite, le tandem avec les deux cyclistes : ce sont des "cong-pay", de ces gens qui ont bénéficié des congés payés, un des plus heureux effets de la victoire du Front Populaire en mai 1936 et des accords de Matignon de juin.

Eh bien Marceau, je me verrais bien à la place de ces gens, que Blum a presque révérés au procès de Riom. Je ne le porterai pas aux nues, le Camarade Blum, surtout devant toi, mais reconnaissons de conserve que tenir tête à un tribunal fantoche, attirer les foudres des journaux fascistes et nazis français sur ce même tribunal pour sa pusillanimité, voire sa faiblesse, face au grand Avocat socialiste qui lui servait un éloge de ces Français qui prenaient leur tandem pour aller profiter de la vie grâce au front populaire, tout ça en pleine occupation nazie, bon sang, Marceau, c'était de l'immense Blum.

Et donc j'attends impatiemment mes congés payés.

Merci, au passage, de souligner à ce point ma défaillance militante. J'y reviendrai. Pas dit mon dernier mot, Pivert.

Tiens, en voilà un dont j'ai affiché le visage sur bien des murs de Paris - et un peu de Sevran en 1988. Bien sûr, il ne t'arrive pas à la cheville ! Oui," il était de droite, et il l'est resté". Ce sera tout, Marceau ?!

Lui, on lui doit la cinquième semaine.
Pas mal d'autres choses, un service humble et passionné de la langue française, par le verbe et les lettres, un espoir fou que le tribun Mitterrand tirerait le Peuple vers les cîmes par l' exercice politique et la propagation de la culture. Des mesures sociales, évidemment... et des désillusions en pagaille, par un mariage bâclé, raté, piétiné, entre son fond socialiste et la modernité capitaliste libérale des années Reagan-Thatcher.




Tout à l'avantage de la seconde et au naufrage du premier.

Mais mon apprentissage de la désillusion est aussi venu par lui. Je le tiens pour un de mes acquis intellectuels.

Tu me demandes pourquoi Maurice Berteaux... J'en ignorais l'existence jusqu'à notre emménagement dans la petite et paisible rue qui porte son nom à Sevran.
Mais oui, lui aussi, rien à côté de toi.

On revoit la question plus tard.

... Marceau, j'ai vraiment besoin de vacances.
Mais avant, j'ai mené l'enquête sur toi et découvert, grâce au citoyen gougueule (je te le présenterai. Une mine de culture), une photo compromettante. Dis, Marceau, tu n'es allé voir ces ouvrières que pour soutenir leur lutte, c'est ça?





Parlant d'ouvrières, en voilà une, photographiée hier au Zénith.
Gisèle Halimi, inoxydable, infatigable militante féministe, depuis des décennies.

samedi 7 mars 2009

Souvenirs du Général Beuret


"Prions le marché pour qu'il nous fasse de beaux lendemains"


Pivert, respecté Camarade, on tourne un peu autour du pot.

D'abord, quelques mots sur un événement majeur en préparation. Pas tant le meeting du "front de gauche", demain, au Zenith (une sorte de Vel d'Hiv en plus petit. La réplique moderne du Vel d'Hiv est Bercy. En bord de seine, lui aussi). Le front de gauche est une tentative pour cimenter le PG (Parti de Gauche, créé à la gauche du PS par le Sénateur Mélenchon), le PCF et des minoritaires du NPA, à l'occasion des élections européennes. Je sais, beaucoup à en dire, on verra ça un peu plus tard si tu veux bien. Pas tant le meeting, donc, que la prochaine floraison printanière. Tu verrais ça, Marceau, Cathrine et moi avons un petit jardin, nous y avons fait planter des arbustes, ils bourgeonnent, ils annoncent le Printemps, des couleurs, un peu de bleu dans le ciel et un air un peu plus clément. Et l'oubli de cet hiver froid, agressif, au milieu duquel cette crise assassine s'est librement épanouie.

Pivert, disais-je, nous avons une relation commune : le Général Beuret.

Mais oui, souviens-toi, le n°31 de la rue du général Beuret. Le siège de la XVème section du Parti Socialiste, devenu celui des trois sections PS du XVe (Javel-Grenelle, Convention, Volontaires) et du PSOE (Parti Socialiste Ouvrier Espagnol).
J'ai tout lieu de penser que tu as connu le 31 de la rue du général Beuret...
A vérifier quand-même.

Si tu l'as connu, tu as dû connaître cette bâtisse à peu près neuve et propre, dans un quartier ouvrier situé entre la rue de Vaugirard et la rue Lecourbe. Je l'ai connue vieille et assez sale en 1978, alors que le quartier n'était pas encore chiraquisé, vidé de ses humbles et d'une forte part de son Histoire ouvrière. La bâtisse était sauvée de la crasse et du délabrement par le dévouement de vieux socialistes, tel ce Lulu, armoire à glace, forte tête, ancien combattant, ex-SFIO molletiste (à ce titre risée un peu facile des néo-militants du tout jeune et très "in" PS). Je l'ai croisé pour la dernière fois en 1984 dans le cabinet de Roger Rouquette, député suppléant d'Edwige Avice. Lulu maugréait, tapait du poing sur le bureau de Roger, menaçait d'en référer à Jospin (ancien de la section) et Defferre : il ne pouvait pas mériter un traitement d'ancien combattant aussi bas, on ne voulait pas reconnaître ses états de service. Il se battait, Lulu. Roger se démenait, lui rétorquait vivement : "Mais fais appel à Dieu le Père, tant que tu y es". Il lui a eu un rendez-vous avec le directeur de cabinet du Ministre des anciens combattants de l'époque.
Quand j'ai quitté le vaillant ancien combattant socialiste et l'extraordinaire militant du CERES qui s'essayait à adoucir ses conditions de vie, je trouvais déjà le temps long au PS - mais j'étais encore fier d'être socialiste, Marceau.

Eh, Pivert, un peu facile de me traiter d'ancien combattant.
Du coup j'en termine avec l'évocation du général Beuret.

Cette section à laquelle j'ai adhéré, la XVe Javel Grenelle, était nombreuse, la plus grosse de Paris, m'a dit un jour Nicole Bricq, à majorité CERES, bouillonnante, fertile en idées, réflexions, actions, militantisme de tous ordres. Exactement ce qui me convenait à 21 ans.

La "fédé" de Paris était majoritairement acquise au CERES sous la houlette de Sarre, depuis 1971. Le 1er secrétaire fédéral était Christian Pierre (futur Pierret), son successeur Jean-Paul Planchou (devenu Deloriste) puis Nicole Bricq (idem). Après le départ de Chevènement du gouvernement Mauroy, au congrès de Bourg en Bresse ou de Toulouse, le CERES a cédé la majorité aux "mitterrandistes", vaste conglomérat hétéroclite, sans odeur ni saveur politique, de supporteurs du Grand Leader. Un peu la raison d'être, et en même temps la plaie, de ce Parti.

A Javel Grenelle on croisait un ou deux ouvriers (on était à Paris, fin des années 70...), beaucoup de cadres. Peu de jeunes. Des gens de qualité. Des copains.

Bon. De fait, on est dans le registre souvenirs et mémoires.
On continuera une autre fois, ou bien je t'entends déjà railler l'album-souvenir.

jeudi 5 mars 2009

Dieu est plus grand que la Tour Eiffel






"Et c'est ainsi que le marché est grand"

Cher Marceau

Pour te prévenir : j'ai appris, pour ton passage à tabac par des militants du PCF.
Sûr qu'ils n'auraient pas infligé un tel traitement à Zyromski.
Remets-toi bien.

Tiens, que dirais-tu qu'on déjeûne ensemble à midi?
Oui, à Ivry, bien sûr. Non, non, Marceau, les militants communistes d'aujourd'hui ne tabassent plus. Je t'expliquerai.
Moi, en tout cas, ça me plairait bien.
Si tu m'accompagnais ensuite à mon travail (tu peux bien faire ça. Qui d'autre blogue avec ton parrainage?), je te présenterais à des gens totalement coupés de toute vie politique ou citoyenne. C'est le lot d'une grosse, énorme majorité de salarié(e)s. Et d'ailleurs, Marceau, je te préviens, ils ne te connaissent pas.
Disons que tu seras mon Grand Père, d'accord?

Rendez-vous à la gare RER de Ivry sur seine.
Non, non, ne demande pas la section du PSOP, plus personne ne le connaît, le PSOP.
Par contre, prépare-toi à arpenter une rue Lénine sur 300 mètres au moins.
D'ailleurs, les électriciens ont appelé la cahute d'EDF "Oulianov".
Non, Marceau, pas besoin de leur casser la figure s'ils te cherchent, ils ne te chercheront pas.

Je t'attends.
A tout à l'heure.

En attendant, puisque tu me les a demandées, voici des photos de Cathrine, Emmanuel et Ariane. Merci d'avoir une pensée pour moi : je ne maîtrise pas encore l'introduction de photos sur ce truc de blog à la noix.



mercredi 4 mars 2009

MOTHER SUPERIOR JUMP THE GUN !

"Le marché protège, protégeons le marché"


Bonjour Marceau

Jours plus longs, le froid revient.

Le moment que tu choisis pour m'interpeller du haut de ton mètre soixante, de ta petite moustache et de tes grosses lunettes. "Il est beau, l'homme de gauche moderne! On m'a parlé d'une crise en ce moment, qui commettrait pas mal de ravages par chez vous, non? Pas vu un seul mot là-dessus, dans vos messages... Petit oubli, sans doute."

D'abord, je ne suis pas "de gauche", pas en tout cas de celle qui s'est voulue moderne, en lien avec la société, anti-totalitaire, en balançant ses valeurs, en premier lieu la République, par-dessus bord dans les années 80, devenant médiatique, libérale, transigeante. Plus de grandeur, plus trop de courage.
Cette gauche-là, Marceau, je n'imagine pas que tu t'y serais bien senti. Encore que. Il faudra que je me documente. Après la guerre, tu as de nouveau adhéré à la SFIO, tes idées ont peut-être un peu varié. A suivre.

Ensuite, bon, d'accord parlons-en.
C'est vrai, je suis figé. Tenaillé entre envie d'"écrire" et sensation de vide, de vanité, quand le vautour projette l'ombre de ses ailes sur le sol, menace de piquer, bec et griffes prêts à casser et déchiqueter les Etres, à les surprendre, passer leur vie à tabac, détruire ce qu'ils ont pu construire, du plus ordinaire au merveilleux, à tout moment. Pour ne laisser que mort et blessures.

La moulinette médiatique appelle "crise" ce qu'on devrait appeler "crime".
Marceau, comment désigner autrement ce qui attaque l'Etre humain dans sa vie et sa chair, dans sa maigre certitude du lendemain, avec la violence méthodique d'une cessation d'activité, d'une lettre de licenciement, avec l'aisance méprisante de ce qui ne cherche pas à s'expliquer ni à se justifier. "La crise", fin en soi, d'autant plus insoutenable qu'elle est le fait d'humains et qu'elle en condamne d'autres.

Je sais que tu abondes dans mon sens.
Et que tu abonderais tout autant si on proposait d'appeler "crime contre l'humanité" l'inégalité économique et sociale qui frappe des peuples de tous pays et continents (l'Afrique en particulier) au bénéfice d'Etats et de détenteurs de richesses américains, européens, indiens russes et chinois.
Ca en ferait à juger. Du travail garanti pour la CPI, et pour des décennies.

Une chaîne complexe d'entrepreneurs et "managers", manipulateurs ivrognes de capitaux sans contrôle, et de médiacrates, voyeurs obscènes des exactions des premiers, trop excités par le spectacle annonciateur de mort pour en tolérer la critique, cette chaîne a déguisé l'attentat contre la raison et la liberté que l'on nomme "crise" en Occident en fatalité inévitable et acceptable puisque passagère.

Allons donc, regrettable incident. Ca passera.
Les mêmes brandissent le "droit des victimes" face aux voyous, voleurs, violeurs et cambrioleurs, face au mal, aux syndicats, aux fonctionnaires, méchants, islamistes, russes, ou grévistes.
Si les victimes de leur crise leur crachaient au visage, il y aurait de quoi les ensevelir.

Marceau, ce que j'écris-là, est-ce de l'angoisse ou de la colère, est-ce un croisement des deux?

Non, non, Marceau, ne me fais pas de nouveau le coup de "c'est votre affaire, tout ça, vous l'avez bien cherché". Pas sérieux.
Et d'abord je ne blogue pas que pour tes beaux yeux et pour nos idées communes.
Tant et tant d'autres choses...
Tiens, par exemple, tu m'avais caché ta rencontre avec Breton au Mexique, en 1941.
Tu te serais exilé au Brésil, tu aurais peut-être croisé l'immense Stefan Zweig...

On en reparle.
Salut, Marceau.

mardi 3 mars 2009

Marchons pour le marché !

"Une pensée pour le marché, un pas vers l'éternité"

Reçu ce texte de Marceau Pivert ce soir : "Je ne vous connais pas. Je me suis battu pour les petits, les faibles, vous êtes un cadre du privé avec salaire moyen-haut, primes et voiture de société. Pour moi, vous êtes de l'autre côté de la barricade !".

De fait, il n'a pas tort, Marceau.
Je lui dois une réponse. Plus tard.

En attendant, Marceau, figure-toi que le Printemps bouscule les bataillons arrières de l'hiver (une "bataille socialiste", qui sait? Ah, ah!). La lumière du jour qui pointe dès 7 heures le matin, ah, je t'assure, Marceau, ça n'annule pas la pesanteur du départ pour le travail mais c'est de la vie en plus, un peu plus d'envie de traverser la journée.
Même en sens unique.
Tiens, du coup, j'ai "tracté" avec des communistes sur le quai du RER. Non, non, Marceau, je t'assure, c'est vrai. Il faisait froid, pas trop de refus de mes tracts, les salarié(e)s aux visages du mardi matin, encore émergents, incrédules, presque. Tiens, se disaient-ils à peine désillés, à peine digérée la bouillie télé- et radio-diffusée du matin, c'est bien le quai du RER B.
Je sais, rien à voir avec la grande époque... Mais le monde n'est plus le même, Marceau... Les "tracteurs" (entends : les ditributeurs de tracts) ne sont plus légions comme au temps où tu "tractais" contre les franquistes. La classe ouvrière est minoritaire dans ma Ville de Sevran, après des décennies de domination, mais la souffrance reste, elle s'est déplacée et diffusée, Marceau. Elle est un peu partout et a toujours cette même détestable source : l'idée que l'individu obéit et ploie sous le joug économique ou se condamne à ne pas exister. Rien à voir avec la grande époque, sauf la même cause. Vérifie, tu m'en reparleras.

Penses-en ce que tu voudras : quand le temps permettra de se promener en chemise et pantalon léger, après la rigueur de cet hiver de crise assassine et avant le matraquage caniculaire, des parcelles insignes et indicibles de bonheur flotteront dans l'air. A moi, à toi, à toute l'Humanité de s'y éveiller.

Tiens, à propos de Sevran...

Voici ce à quoi ressemblera Sevran d'ici quelques années :











Faudrait que je te présente Gaston Bussière. Une ancienne sommité locale, communiste. Fusillé pendant la 2ème guerre mondiale, c'est lui qu'on voit sur le cours de tennis, ci-dessus, juste avant son arrestation (bon, on ne s'énerve pas, Pivert, je rigole à bon compte). Et Denise Albert, ancienne résistante et toujours résistante. Et le Maire actuel.

Je prends les contacts, je t'en reparle.

Bonne nuit, Marceau.

dimanche 1 mars 2009

Marceau Pivert, suite

Marceau Pivert.
Raccourci. 1000 excuses, Marceau.

A adhéré à la SFIO à 19 ans, en 1924, est devenu membre du Conseil National en 1927, créateur avec Jean Zyromski de la tendance "Bataille socialiste", puis, en 1933, de la "Gauche révolutionnaire" qu'on dit "ultra-gauchiste" ou infiltrée par les trotskystes (la fameuse stratégie de l'entrisme). Adepte d'une politique clairement révolutionnaire de la SFIO, le courant réunit pas mal de beau monde (Pierre Vidal-Naquet en était, et aussi Daniel Guérin). Au congrès de février 1936, la motion de Pivert recueille 11% des mandats; le Front Populaire porté au pouvoir, Pivert entre au gouvernement, en charge de l'information. Il pousse Blum à la radicalité face aux luttes ouvrières, au fascisme montant, en vain. C'est en 1937 qu'il écrit son fameux "Tout est possible!", qui lui vaut une réponse toute simple de "L'Humanité" : "Non, tout n'est pas possible", et, à terme, son exclusion de la SFIO en 1938. On fait vite, disais-je.




Notre Marceau ne s'en laisse pas compter. Las d'être étouffé dans une SFIO elle-même tétanisée par son voisinage avec les radicaux d'un côté, le PCF stalinien de l'autre et une bourgeoisie active, il s'en va fonder le PSOP (Parti Socialiste Ouvrier et Paysan). A la section Javel-Grenelle du PS j'ai fait la connaissance d'Henri Pertuisot qui, je crois, en était. Albert Gazier, ex secrétaire général de la CGTU et ancien ministre, était aussi à la section. Ex -pivertiste? Je ne sais plus.

Et Marceau a fait l'expérience de la difficulté d'exister quand on veut ouvrir une troisième voie entre PS et PCF ou au-delà des composantes traditionnelles de la gauche. Leçon qui s'est appliquée plus tard au PSA devenu PSU, au Mouvement des Citoyens fondé par J.P. Chevènement (aujourd'hui MRC), une leçon à laquelle le Parti de Gauche voudrait échapper, et tant mieux.

Comme Pétain dissout son PSOP, notre Marceau s'exile... au Mexique ! (Tiens, tiens...).
Après la libération (on continue de faire vite), il retourne au bercail SFIO et disparaît de l'arêne socialiste. Wikipedia rapporte qu'il aurait peut-être adhéré au PSA s'il avait vécu jusqu'à sa fondation.

Marceau est mort en 1958.

Que Marceau ne m'en veuille pas, ni ses partisans. Je m'arrête là.
Google signale une abondante bibliographie sur notre Marceau, que je suis ravi d'avoir comme Parrain, très involontaire mais je suis ravi quand-même.

Salut, Marceau !

Ce blog, trois-cent millionnième du nom, a pour adresse "le pivert de marceau". Clin d'oeil plein de respectueuse curiosité à Marceau Pivert.


J'essaierai de chercher tous éléments intéressants sur mon Camarade Marceau, pour l'heure je retiens son mot très fameux écrit peu après la victoire électorale du Front Populaire : "Tout est possible".

Marceau Pivert était socialiste, il émargeait à l'aile gauche de la SFIO. Pouvait-il imaginer que son "tout est possible" serait au centre des questionnements politiques, certes, mais aussi philosophiques, de tant et tant de gens "de gauche", et bien au-delà de la gauche, depuis près de quatre-vingts ans?

J'ai presque de l'affection pour lui. Son nom, d'abord, Marceau Pivert. Sa section socialiste, la XVe de Paris qui fut la mienne (Javel-Grenelle) quand j'ai adhéré au PS. Son lien avec Blum.

Mais brisons-là pour le moment.
A bientôt, Marceau.
Et merci-Marceau, merci, Marceau, pour ce parrainage involontaire.

Ton blog, Marceau, tu l'aurais intitulé comment?

Membres

Qui êtes-vous ?

Quelqu'un qu'on sait être qui il est sans se douter qu'il est plus proche de celui qu'il n'a jamais été.