mardi 21 avril 2009

J'AI FAIT CE QUE J'AI PU. De l'arriération de toute avancée

"Un peu de marché le soir chasse les idées noires"

Cher Camarade Pivert

Tu manques un peu à notre temps, comme nous manquent le recul, le discernement, insaisissables dans la rapidité ambiante; j'aurais aimé échanger avec toi, sur aujourd'hui et les années 30, puiser des arpents de courage dans des tête à tête où tu aurais ri, j'en suis sûr, du chaos qui monte et des angoisses qui percent. Et j'aurais moins peur de tout.

Quand la peur est en déroute, le rêve et l'utopie ont le champ libre. Une Liberté matérielle, sans rêve ni utopie, sans la contemplation, sans le temps, serait fictive; d'aucuns rêvent de fonder leur boîte, de skier en décembre et surfer en Martinique en mars : rêve de réalité, rêve nul.
Le chemin est long pour installer du rêve dans le réel.

En attendant, Marceau, ici, près de soixante ans après ton départ, on rêve qu'on sortira vite de la crise...
Les jours sont plus longs, l'obscurité est repoussée jusqu'à tard le soir; illusion qu'une deuxième vie commence le soir venu, qu'accompagnera bientôt la douceur des soirées estivales. Si l'été qui arrive pouvait chasser cette crise maudite...

Amusant comme l'Humanité a en mains les clefs de l'intelligence, pour sortir de la convulsion par le haut, mais choisit la poursuite de ce croisement de bêtise et d'inconscience qui l'a menée à la crise en (grande) vigueur. En gros, continuons la marche économique forcée qui a tout cassé. Vaporisons dans l'air surchargé des atômes de contre-poison, juste assez pour qu'ils n'entravent pas la marche vers le rien, dont notre belle humanité est devenue addictive.

Rien à voir avec le socialisme, ça?
Comme tu y vas.
Bien assis, Camarade Pivert, prêt à lire ici-même que le socialisme est condamné à conserver? Socialisme conservateur, oui, pas la peine d'en tomber en syncope. Des années 70 jusqu'à aujourd'hui, le capitalisme a conforté un Homme-consommateur, engloutisseur de richesses matérielles, dévastateur de tout, son air, son environnement, son inférieur (son égal rejeté par le modèle dominant) et, à terme, de lui-même; les deux tronches de cake ci-dessus sont au nombre des apôtres de la baliverne. Extraordinaire, les deux olibrius se disent philosophes, philosophes contre la vie.

Marceau, les socialistes devront conserver la planète pour conserver l'Homme, et vice-versa. Pas d'autre sens à la lutte contre la marchandisation de toutes choses (encore ont-ils du chemin à faire pour en accepter le principe), pour la réduction du temps de travail qui n'est qu'un préalable à la diminution globale de l'activité économique. Oui, Camarade Pivert, le mouvement a changé de camp. La réaction conservait les privilèges contre une classe ouvrière en mouvement pour les abolir, elle est en mouvement aujourd'hui pour asseoir son pouvoir sur la vitesse et conforter ses marges à l'échelon planétaire : tout naturellement, la mission des socialistes est de conserver les conditions d'une vie acceptable pour le plus grand nombre.

Et leur premier devoir est la République.
On en reparle.

Par ailleurs, comment arriver à sauver un Cinéma, telle est la question. Ca t'en fait vaciller la moustache, mais ce sera le contenu d'un très prochain message.

dimanche 12 avril 2009

Pieuses méditations des chats bretons

"Puisons nos allégresses dans le marché tout puissant"

Cher Marceau

"Continuité du service". La belle affaire.
Rien ne t'empêchait, éminent Camarade, de poursuivre le blog pendant que je profitais avec Cathrine d'une semaine de congés en Bretagne. Très hors de propos, cette mise en cause, venant d'un artisan des congés payés. On en reparlera.

"La Bretagne? Mais quelle Bretagne?"
Celle-là, Marceau :

















... Et on pourrait en ajouter cent autres, de cette Terre noble qui mériterait aussi d'être "Grande". Curieux comme ces landes baignées par la mer imposent leur sérénité à tout l'Ouest, au point que les mafias russes lui ont préféré la côte d'azur... le breton, ringard. "Out", la Bretagne. A noter que le business se passe du concours de la mafia pour agresser le paysage breton, lui imposer le défiguration sans laquelle il n'est point d'économie. Et que ce qui ne choque plus en PACA continue de surprendre en Bretagne.
A noter aussi que la photo du bas a été prise à La Turballe, dont l'appartenance à la Bretagne, ainsi que la Loire Atlantique, fait toujours débat.

Tarte à la crème, la Bretagne vacancière, plages, crêperies, coopératives portuaires de vêtements bretons (Armor Lux), porcelaines à rayures et gâteaux. Camarade Pivert, parole de qui supporterait à peine une demi-heure de navigation en mer sur un chalutier, la Bretagne, ce sont avant tout ses pêcheurs et ses paysans; discours au doux parfum basiste, ouvriériste, pourquoi pas, never mind : discours de réalité.

Et nous revoilà aux prises avec cet impensé qui sculpte nos vie sans en avoir l'air :

LE QUOTIDIEN.

C'est à dire, pêle-mêle, le jardin, les fotinias prometteurs, les mimosas qui hésitent, Chantal, la factrice sevranaise, et sa "bise de Pâques" d'hier, la crise, les licenciements, les séquestrations de patrons et cadres qui se voient enjoints de présenter leurs plans sociaux comme imposés par la crise, quand ils ne le sont que par les actionnaires, les journaux de France 2 qui consacrent huit minutes sur trente à la libération d'otages en mer, normal, ils étaient français, le RER dont la capilotade grimpe en intensité chaque jour, Ariane et ses envies de journalisme, Emmanuel dans le tourbillon politique pichrocolien.

Mais oui, Marceau, mon Camarade Pivert, Emmanuel est socialiste. Si tu entends par là un socialisme qui, pour mon désespoir et paradoxalement, s'affranchit de toute appartenance partidaire. Tant sa génération, rejointe par toutes les autres, associe l'état calamiteux de "la gauche" à la contre-performance militante des Partis (qu'ils soient socialiste, communiste ou trotskyste) censés la composer, ce qui n'a rien d'absurde mais ne peut à soi seul expliquer le drame actuel. Ce socialisme-là voudrait tirer sa nouveauté d'un état de dispersion comme "la gauche" n'en a plus connu depuis 1905.
Entre lui et moi, tu l'entends peut-être là haut, le débat fait rage aussi.

Ariane n'est pas socialiste, tant il lui importe d'être Ariane avant tout, et c'est déjà beaucoup. Mais rien de ce qui se veut "de gauche" ne l'indiffère; encore une qui ne consentira à un accord politique qu'après l'avoir passé mille fois à la loupe grossissante. On ne la lui fera pas.

Quand on y pense, Marceau, la génération des années 80 - la leur - ne peut penser la politique qu'au travers du filtre engorgé de 1917, 1939 (le pacte, Marceau, le pacte), 1944, 1963 (le mur, Marceau, le mur) 1968, 1981, 1989 (la chute du mur, Marceau), et toutes les années 80. Ajoute à ça l'inédit sarkozyste, ces habits neufs de la bourgeoisie qui, sans faire illusion auprès des jeunes, ont contribué un moment à brouiller les pistes.
Et la crise, aujourd'hui, et les jeunes, premiers à en supporter le fardeau...

Ouais. Je comprends un peu.
A discuter quand tu voudras.


mardi 7 avril 2009

La vésicule irénique

"Rien n'est doux comme un brin de marché".

Marceau, Camarade Pivert, je te présente Alexandre Kujawski, alias Olek.

Olek est né le 20 avril 1925 et mort le 30 avril 2001.

Un architecte. Un artiste. Un aventurier à la vie étonnante, adolescence polonaise fauchée par la guerre, âge adulte en France et apprentissage de l'architecture aux côtés de Le Corbusier.

Père de Famille. Le mien.

Pourquoi, cette photo, l'évocation (brève, conviens-en) du passé? Et pourquoi pas?

D'abord parce que je t'ai présenté pas mal de gens depuis le début mars; parce que Olek et toi auriez sûrement sympathisé; parce que je voulais le saluer au détour d'un paragraphe, lui souhaiter de bien continuer sa vie de l'au-delà, dans le repos, les Livres et la musique (et le vin rouge, aussi).

Pour lui suggérer d'aller te trouver.
Que te lui présentes Colette Audry. Qu'elle l'envoie paître, qu'elle l'adore ensuite et qu'il la traite de vieille conne, affectueusement.
Et Trotsky.
Lui, il te présentera son patron, tu le reconnaîtras par ses grosses lunettes noires.
Et tous ses copains.
Et ses copines.
Son Univers.

Reposez-vous bien tous les deux.

Membres

Qui êtes-vous ?

Quelqu'un qu'on sait être qui il est sans se douter qu'il est plus proche de celui qu'il n'a jamais été.