dimanche 13 novembre 2022

Boyard, Garrido, Mélenchon, les épiés dans le plat Hanouna

Pourquoi tout ce bruit autour de la sortie de Louis Boyard de l'émission de Cyril Hanouna, le 10 novembre ? Certain(e)s ne comprennent pas ce qu'un Député de la République allait faire dans un tel marigot de nivellement par le plus bas possible, plongeant la République qu'il représente dans un bac à indignité structurelle, et pensent qu'il n'a reçu que le gros, gras et odoriférant boomerang qu'il méritait. Les mêmes pointent les émargements réguliers de Raquel Garrido à l'émission, et les caresses doucereuses administrées par Jean-Luc Mélenchon à l'animateur un jour que le premier était l'invité du second sur son plateau.

La simple histoire de la société du spectacle, sa contradiction manifeste avec les idéaux officiellement portés par La France Insoumise, leur donnent raison. L'auteur de ces lignes partage une part de leur incompréhension, doublée, pour lui qui reste partisan de LFI, d'un embarras haut comme la Tour Eiffel.

La parole est à la défense
Le spectacle est le cheval de Troie par lequel le capitalisme contrôle une bonne part de la population, achetant à vil prix (publicitaire et racoleur) sa passivité, sa résignation, l'orientation de sa colère vers les cibles que cette même société du spectacle lui désigne : les bons à rien, les incapables, les grévistes, les immigré(e)s, les politicien(ne)s (dont... les parlementaires).

C'est la fameuse conquête culturelle du pouvoir, extension improbable de l'idée gramscienne.

Partant, tout/e partisan(e) de la conquête du pouvoir par le suffrage universel sait que, tant que le pouvoir n'est pas conquis, se pose la question de ce face à face si inégal, injuste, et même monstrueux, entre le spectacle et sa proie, la part de la population qui l'ingurgite par voie de télévision. Peut-on laisser le champ libre à Hanouna, et d'autres (dont son employeur Bolloré), pour qu'ils instillent dans les têtes leur mélange de chaos, d'irrationnel, et de néant de l'intelligence ? Non, ont très vite répondu Garrido et Mélenchon : il faut intervenir dans le champ du spectacle, au besoin aller sur le terrain-même de Bolloré, casser le menottage et l'asphyxie des esprits par les marionnettes de l'écran.
C'est ainsi qu'on vit Mélenchon sur le plateau de Drucker en 2010. Première d'une série aujourd'hui longue d'apparitions à l'écran.
 
A la décharge des deux, on pourrait ajouter que coller au plus près des gilets jaunes comportait le danger de la confusion avec leurs éléments d'extrême droite, ou avec des revendications populistes de droite, comme la diminution du nombre de parlementaires et de leur salaire.
Mais il fallait coller aux gilets jaunes, à la réalité incontournable qu'ils incarnaient et qui s'imposait à nous. Et à nous d'impulser nos messages, dans le fatras idéologique qui était le leur. Tout a été dit, sauf  le soutien d'organisations et personnalités, de gauche ou d'ailleurs, qui a permis d'ancrer la plupart de leurs revendications dans le champ social, et d'éviter leur assimilation à l'extrême-droite.
Comprenons : il faut être avec le peuple, même et surtout quand il est en mauvaise compagnie. Etre avec lui, pour tenter de changer le disque infernal sur lequel le capitalisme communiquant l'a branché.

Toute la question est là : la participation à un "show", "talk show" ou autre marotte de l'industrie du divertissement, permet-elle d'atteindre l'objectif ? Encore faut-il savoir lequel. Comme le rappelle Jean-Pierre Rioux (Les enfants de Jaurès, éd. Odile Jacob), l'édification et l'élévation du peuple sont une finalité du socialisme. Si l'émission du candidat Mélenchon avec Drucker en 2010 permit de délivrer quelques messages (dont celui de Pierre Laurent, présent sur le plateau), participer à une émission d'Hanouna est, en revanche, la promesse du vide se sens, d'accroître le désarroi des spectateurs/trices face à la politique, et de dégrader encore son image.
Dans le capharnaüm et les démélés agressifs entre Louis Boyard et l'animateur-mauvais clown, on peut craindre qu'aux yeux de beaucoup il n'y ait eu d'autre vainqueur que le bruit, et d'autre bilan qu'un renvoi dos à dos des deux brailleurs.

Reste le principe, inattaquable : oui, il faut faire ce qui est possible pour contrarier l'intraveineuse permanente de la dé-civilisation néolibérale dans les veines populaires. Avant une remise à plat totale de l'information, et sa redéfinition comme un bien commun, lorsque le pouvoir aura vraiment changé de mains.

Le possible est mince, on le sait tous. Convenons que lorsqu'il relève du fil de fer, il n'y pas lieu de le tenter. Mieux vaut sans doute porter les efforts ailleurs.






 

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