jeudi 27 avril 2017

JOURNAL DE BORD D'UN INSOUMIS DECHIRE


Cher Ousbek, tu peux croire mon désarroi immense, il l'est; allège-moi au moins du renvoi dos à dos des deux finalistes de la présidentielle. J'ai conscience de leur différence, j'ai aussi l'espoir en l'intelligence et l'humanisme de l'un quand la vision de l'autre me dévaste. Mais le désarroi empire à l'idée que mon suffrage pour le jeune prodige, et sa victoire, jettent encore plus de monde, non tant dans les bras de la blondasse en premier lieu, que dans la dépression individuelle et collective qui fait de tout être humain un danger potentiel pour les autres. Donc un électeur, pourquoi pas un chien de garde actif des fascistes. Scénario des années précédentes qui ne demande qu'à se perpétuer. Désarroi aussi à l'idée que ledit jeune prodige encaisse les voix de "gauche" et, comme tu le relèves, les considère comme à peine plus qu'une rémunération sans contre-partie pour nous avoir évité le pire, démentant l'intelligence et l'humanisme que je lui prête.
 
Je ne les renvoie pas dos à dos, les deux m'effraient, à des degrés différents il est vrai.
Le scénario Plenel pourrait susciter un choc libérateur. "EM veut les voix des insoumis ? Qu'il leur parle". Trop demander, un peu de garanties plutôt qu'un blanc seing ? Mais, cher Ousbek, tu es le premier à le dire, un chouchou des marchés ne se résoudra pas à concéder à ce point envers ceux qu'il a juré de rayer de la carte. 
 
Ce qui créerait une différence entre la tatie carnassière et le jeune prodige serait que le second arrêtât de stresser son monde en se voulant rassurant. Il n'a, lui, qu'un costume, celui du manager et DRH à mi-temps, et ne réalise pas qu'il est la copie des deux personnages les plus redoutés du monde du travail. Porteur de poisse, quoi...
 
En définitive, je lèverais toute hésitation si je nous savais, tous et toutes, capables de relever le défi du lendemain du 7 mai. D'imposer un rapport de forces au jeune prodige contre le vote en sa faveur. On n'y arrivera pas, parce que la CGT et FO sont épuisés et la CFDT trop ivre du vent néo-libéral qu'elle a dans le dos, la gauche défaite et la FI encore trop balbutiante pour imposer l'unité à ses partenaires. La possible victoire du petit génie est l'effet logique de la destruction de toutes les digues sociales, dont il est un artisan zélé.

Restent les jeunes, Ousbek. Qu'ils fussent étudiants et urbains importe peu : comme celle du CIP et du CPE, une génération encore en mesure de hurler son refus du pire avant d'être happée par le marché est là, qui a voté et reste en réserve de la république.

Que nous votions ou non le 7 mai, cette génération nous demandera des comptes. Il faudra être avec elle.

Je t'embrasse, cher Ousbek

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