mercredi 12 décembre 2018

WORKING CLASS HERO, JOHN LENNON, 1970



Rarement une voix sincèrement ouvrière est venue, ou vient, du monde du spectacle. Elle a pourtant émergé, portée par un rocker enseveli sous la fortune, quelques années avant qu'une doxa néo-libérale suffisante décrète la disparition de toute classe ouvrière. C'était en 1970.

John Lennon, comme ses trois camarades de destin, avait été sorti du port industriel et prolétarien de Liverpool de par le succès de son groupe, à 21 ans, devenant valeur artistique et financière, pilier de la société du spectacle, et résident londonien quand les tournées, les enregistrements et le groupe lui en laissaient le temps; huit ans plus tard, le groupe dissous, Lennon s'est souvenu; le conflit de classe, théâtre de son enfance et de son adolescence, resurgissait dans sa vie d'adulte milliardaire.

Une racine bien vivace avec laquelle il fallait en découdre : ce fut l'enjeu de son premier vrai disque en solo, intitulé "John Lennon".

Y prenait la parole un marxiste improbable - et analysant en cours de cure, produisant un enregistrement poignant et d'une richesse rare dont "Working class hero" est l'incroyable manifeste ouvrier.

Lennon restera rebelle (d'aucuns diraient "insoumis") quelques temps, avec un 45 tours intitulé "Power to the people", puis entamera la dissolution de sa rebellion dans des fonds de sauces plus en phase avec son statut de rock star (ce qui donnera l'ultra-célèbre "Imagine"), et, plus tard, auprès de la gauche américaine dont il deviendra un protégé après son exil aux Etats Unis.

C'est ce Lennon-là qui sera assassiné à New York en décembre 1980, peu de temps après la sortie de son dernier disque "Double fantasy".

Ci-après les paroles originales de "Working class hero", suivies d'une traduction française empruntée à "Lacoccinelle.net" que j'ai arrangée.
Tout rapport avec une situation et des discours entendus parfois sur des ronds points serait parfaitement fortuite.

https://www.youtube.com/watch?v=iMewtlmkV6c

As soon as you're born they make you feel small
By giving you no time instead of it all
Till the pain is so big you feel nothing at all
A working class hero is something to be
A working class hero is something to be


They hurt you at home and they hit you at school
They hate you il you're clever and they despise a fool
Till you're so fuckin' crazy you can't follow their rules
A working class hero is something to be
A working class hero is something to be

When they've tortured and scared you for 20 odd years
Then they expect you to pick a career
When you can't really function you're so full of fear
A working class hero is something to be
A working class hero is something to be

Keep you doped with religion and sex and TV
And you think you're so clever and classless and free
But you're still fuckin' peasants as far as I can see
A working class hero is something to be
A working class hero is something to be

"There's room at the top" they are telling you still
But first you must learn how to smile as you kill
If you want to be like the folks on the hill
A working class hero is something to be
Yes, a working class hero is something to be

If you want to be a hero well just follow me
If you want to be a hero well just follow me


Traduction française
Dès ta naissance ils te rabaissent
En te privant de temps contre toute raison
Jusqu'à ce que la douleur soit si grande, tu ne sens rien du tout.
C'est ça, être un héros de la classe ouvrière

Ils te font souffrir chez toi et te cognent à l'école,
Ils te détestent si tu es intelligent et te méprisent idiot
Jusqu'à ce que tu sois si totalement cinglé que tu ne puisses plus suivre leurs règles.
C'est quelque chose, d'être un héros de la classe ouvrière

Quand ils t'ont torturé et effrayé pendant vingt bonnes années
Ils s'attendent à ce que tu embrasses une carrière.
Quand tu n'y arrives pas tu es empli de frousse.
C'est ça, être un héros de la classe ouvrière

Ils te droguent de religion, de sexe et de télévision,
Et tu te crois si intelligent, sans classe et libre...
Mais tu es toujours un putain de paysan, à ce que je vois.
C'est quelque chose, d'être un héros de la classe ouvrière

Ils ne cessent de te dire qu'il y a de la place au sommet,
Mais tu dois d'abord apprendre à sourire en tuant
Si tu veux ressembler aux gens d'en haut.
C'est ça, être un héros de la classe ouvrière

Si tu veux être un héros tu n'as qu'à me suivre.

mercredi 26 septembre 2018

COMMENT DIRE A AMAZON QU'ON L'EMMERDE ?

Ce n'est plus Dieu envoyant son Fils sur terre pour nous sauver; ce n'est plus Pablo Escobar descendant de son 4x4 pour distribuer des billets de banque aux habitants de Medellin, devant les caméras; ce n'est pas le Père Noël.

Non, non, rien à voir avec tout ça, évidemment !

Indépendamment de ce qui précède, donc, Amazon vient d'annoncer la création de milliers d'emplois dans ses entrepôts (Bove, Amiens, Saran, Montélimar, Lauwin-Planque, Sevrey, bientôt suivis par Brétigny sur Orge). Les journaux et radios précisant que "les premiers candidats à se présenter seront les premiers servis".

Boucle bouclée. Amazon a trouvé fin des années 2000 un ancien monde déjà à l'agonie. Après signature de l'acte de décès, Amazon et autres Gafam en bâtissent un nouveau à leur convenance : au menu, un travail rare et aux conditions quasi-exclusives de l'employeur, du rude, du cruel, des vies précaires, privatisées, déstructurées, des camions partout, des paysages détruits.

Les "offres" d'emploi d'Amazon tiennent de la dose de méthadone pour une société abrutie de chômage. Contre la promesse de livraison en 24h/48h d'un four à micro-ondes, d'un roman en poche et d'une robe, contre la vision du consommateur-roi qui peut obtenir tout, tout de suite, la société consent à envoyer ses jeunes, abandonnés au chômage et à l'ennui, subir un travail à la seule sauce maison, épuisant, pour des revenus scandaleusement bas - mais avec une belle carotte de "réalisation et d'épanouissement au travail".
Ou quand les "jobs" remplacent les emplois, et le "challenge" (à prononcer "tchalainege") le défi.

Amazon et ses thuriféraires (en dehors du Président de la République, on trouve parmi eux des personnalités socialistes) vous affirmeront sans rire qu'un jeune au travail vaudra toujours mieux qu'un dealer. Tant que ce monde et son économie seront ce qu'ils sont, un emploi en entrepôt chez Décathlon, H et M ou Amazon sera mieux que rien. Tant qu'il en sera ainsi, aux "offres" d'emplois d'Amazon, notre société ne pourra pas dire "non", sauf à se voir reprocher de ne pas vouloir combattre le chômage.
Nous en sommes là : nous ne choisissons plus Décathlon, H et M et Amazon. Nous les subissons avec l'illusion de notre liberté vis-à-vis d'eux.

A ce jour, on ne dit pas à Amazon qu'on l'emmerde : via ses "offres" d'emploi, c'est Amazon qui le fait et nous le fait grâcieusement savoir.
























600 camions attendus chaque jour d’entrer sans encombre sur l’autoroute A1

mercredi 6 juin 2018

LE MACRONISME ASSASSINE LE MINISTERE DE LA CULTURE (ET MEPRISE LA JEUNESSE)


. Quid d’un ministère de la culture soutien d’une jeunesse créative, innovante, dérangeante, porteuse de renouvellements et de découvertes ? Contre cette idée-là, place à « l’offre à la demande » (entretien au « Monde » de Mme Françoise Nyssen, 5 juin 2018), soit un ministère tourné vers un individu atomisé auquel il veut fournir une culture sur mesure, pré-mâchée et à consommation rapide.

Ce n’est pas à la jeunesse, mais à cette image saumâtre, méprisante, du « jeune », amateur de « où je veux quand je veux » (ibid) et à son supposé besoin de tout, tout de suite, que le ministère est prêt à sacrifier France 4, comme jadis le sucre d’orge au gamin tapageur.
C’est à cette même représentation du jeune-consommateur dénué d’esprit critique que le ministère destine aussi le « pass’culture ».
Comme le dit très bien, mais si involontairement, Mme la Ministre, à vouloir trop coller à cette image fausse de la jeunesse, « Nous sommes en train de passer à côté des jeunes ».

. Contre un ministère porteur de projets culturels pour les territoires (lieux culturels, conservatoires, bibliothèques...), restaurateurs de confiance dans la vie locale, place au regroupement de France Bleu et France 3, sans précision de l’usage attendu du nouveau « machin ». Place au vide, donc, à un « rien » de contenu et de budget (l’enveloppe d’économies à réaliser par France Télévision étant à sortir bientôt du chapeau), que viendront vite combler mille et un petits Jean-Pierre Pernaut locaux et leur passion de l’ordre établi.

En somme, plutôt qu’initiateur et découvreur, le présent ministère est démissionnaire et prosterné face aux canons du moment, dont, et avant tout, le marché.
En ce sens, il se fait ministère du divertissement. En bonne logique néo-libérale, il acte son propre sabordage.

La farce n’a duré qu’un an mais a déjà trop duré.

jeudi 26 avril 2018

INSOUMIS, POUR L'ENTREPRISE.

Il sera question ici de l'entreprise, un deuxième volet sera consacré à l'Europe.

L'ENTREPRISE

Contrat d'Insertion Professionnelle (CIP) en 1994, Contrat Première Embauche (CPE) en 2006 : à deux reprises dans l'histoire sociale récente, deux projets de contournement du droit du travail ont été repoussés, qui entendaient, officiellement, faciliter l'embauche ou l'insertion des jeunes dans les entreprises moyennant des conditions plus aléatoires et précaires que celles de leurs aînés (80% du SMIC pour le CIP, période d'essai de deux ans pour le CPE).
"Anti-jeunisme", attaque contre le droit du travail, anti-libéralisme, brandis haut et fort, ont eu raison des deux textes; dans le même temps, des sondages révélaient la préférence des jeunes pour l'emploi public (1) et leur défiance vis-à-vis de cette bonne fée de l'économie qui cherchait à les séduire par tous moyens, yeux doux et jeu de mandoline à l'appui : l'entreprise privée .

Devant une société bienveillante mais affairée à compter les points, les jeunes contestaient rien moins qu'une évidence : l'entreprise était à prendre ou à laisser. Point de passage incontournable dans le cours de la vie, créatrice de richesses et d'emplois, et, à ces titres, intouchable et...incontestable. Mais aussi porteuse d'un paquet de "valeurs" hautement idéologiques (dérégulation, concurrence, compétition, individualisme, inégalité, hiérarchie, pouvoir, centralisme) en greffe progressive dans la société, contre-pouvoir dressé contre l'Etat, puissant relais d'une mondialisation débridée.
Les contestataires de 1994 et 2006 instruisaient le procès d'un modèle d'entreprise hégémonique, hautement contestable, voire souvent hideux.
Suivez le guide.


PROCES DE L'ENTREPRISE HIDEUSE...


"Quelle entreprise ?" L'agriculteur et ses 350 euros mensuels, le plombier de quartier, le libraire, l'artisan-couvreur, avec leurs horaires de travail, leurs gros impôts et cotises sociales ? Ou bien Carrefour, Auchan, Amazon, Canal plus, Bouygues, Décathlon, leurs actionnaires, leurs taux d'impôts mitonnés par Bercy, leur orgie permanente de compétitivité, leurs salarié.e.s essoré.e.s pour pas un rond?

L'économiste ou le politique néo-libéral nous enjoindra, pas tout à fait à tort, de savoir de quoi on parle. On y revient plus loin. Mais s'offrira souvent, en supplément, un bon discours paranoïaque : en gros, fermez le ban et le bec. Traduction : pas de question à l'entreprise; la forteresse se veut indétectable par les regards fureteurs. Ou bien groupes de pression, avocats, médias, vous feront passer vos curiosités vis-à-vis de cette maîtresse singulière qui, en dépit d'apparences soutenues, ne veut que votre bien.
Et le monde continuera de tourner rond...

Oui, mais voilà... pas un jour sans que l'individu lambda s'endorme et se réveille au son de litanies en carton-pâte glapies par les Baverez, Gattaz, Lenglet, Closets, à l'unisson sur des médias d'opérette : "esprit d'entreprise !", "culture d'entreprise !".
Diverse, complexe, indétectable, sans doute, mais l'entreprise existe assez pour qu'on l'encense, plutôt stupidement. Mieux : dans le vocable néo-libéral, la liberté d'entreprendre (au sens de fonder une entreprise) est la liberté à elle toute seule.
Tout le monde sait donc de quoi on parle, le sujet est posé. Soyons curieux.

Et parlons-en, justement : si on voulait définir l'entreprise actuelle, ce serait sous le trait d'à peine plus qu'un joujou en stress concurrentiel permanent, à créer n'importe-quoi pourvu qu'à bas prix et dans un temps record, pour en inonder des marchés congestionnés ou exsangues, par des aspirants au statut de sur-hommes prêts à en découdre contre tout et tout le monde, et à l'intérieur de murs opaques qui dissimulent autant les flux financiers que les conditions de travail.
La belle image que voilà.

Hideuse, l'image de l'entreprise, parce qu'associée à un bouquet de mots-clefs qui en tracent le portrait : stress, boule au ventre, angoisse, violence (voir "Le Monde" ci-contre, c'était en 2003), aliénation, court-terme, insécurité, instabilité, licenciement, délocalisation, on en passe.
Avec, cherry on the cake : concentration.

Hideuse, parce que l'entreprise vise rien moins qu'à sélectionner une humanité taillée sur mesure pour elle (l'homo economicus) - selon ses critères, à elle, et hors toute discussion. Et elle vire qui ne leur correspond pas. "T'as pas le fit, coco". En vertu de quoi elle a le droit à l'intégration, au rejet à la mer de qui elle veut, traduisez "dans le marché" ou dans un chômage plus ou moins court ou long (elle s'en lave les mains) - ou à la condamnation. Y compris au pire.

Hideuse aussi, car elle s'applique à elle-même la lutte des classes qu'elle a ingénieusement imposée à ses salarié.e.s : petites entreprises écrasées par les grosses, fossé entre le petit entrepreneur ou artisan (TPE ou PME) et manageurs de grosses "boîtes". Le premier, terrassé d'impôts et de cotisations, sacrifie sa santé pour trouver une place sur des marchés annexés par les secondes et leurs conseils d'administration ventrus (voir : codirs, comex).

Et pourtant, Madame la grosse boîte affiche fièrement suffisances et graisses saturées. Elle s'en pâme.
Essayez toujours de vous passer d'elle, lance-t-elle dans un rot flatulent.
Le monopole de la création de richesses, ça vous a un chien...

Il y en a pour s'en pourlécher (tiens, ci-dessous, mon ami Geoffroy ! Bonjour Geoffroy !)

Et d'autres pour se gaver de fantasmes. Madame s'est acquis des serviteurs-grognards, successeurs des sergents majors et gardes champêtres d'antan. Derrière les vocables "je monte ma boîte !", "je suis nommé... (ajouter un intitulé de fonction, afficher lippe ambitieuse et œil mordant), "je reprends... (ajouter "un dossier chaud", une "négo" : succès assuré. Les autres y ont échoué, alors que vous, on va voir ce qu'on va voir), se niche l'enfant chéri de notre Occident, individu ivre de sa glorieuse autonomie et de ses certitudes (et, en haut de l'échelle, de ses comptes en banque). Collée à lui comme le coquillage à la roche, sa hiérarchie, DRH, supply chain managers, directeurs des opérations, directeurs commerciaux, et autres techno-barons, cour apprêtée, composants moisis de toutes les World Company, jamais en retard d'un morituri te salutant et, pourtant, chair à canon pour d'incessantes restructurations qui sont autant de cures de beauté pour Madame.

Et sous ces tapoteurs de leur bas-ventre, fascinés, en digestion chronique et indigestion dépressive, les autres.


IDEOLOGIE D'ENTREPRISE

Un dada de l'entreprise capitaliste a pour nom l'"inégalité féconde", théorie commune aux manageurs et à l'extrême-droite. L'aspirateur inégalitaire cible les jeunes et leur attente du meilleur : il les enjoint d'y renoncer en baissant la tête; un cactus à saisir à pleines mains comme ticket d'entrée dans l'entreprise, en se prenant toutes les épines dans le corps (précarité, revenus, conditions caporalistes de travail), si possible en souriant.
C'était, à peu de choses près, la promesse du CIP et du CPE.

Elle en a d'autres. L'entreprise a repris les codes militaires du bon vieux temps, dont et surtout la compétition. La compétition entre les peuples, les armées façonnées par des siècles de nationalisme belliqueux connaissaient bien; l'entreprise l'a reprise et érigée - sous les traits banalisés de "concurrence" - en système managerial absolu, dogme et fin en lui-même. Le tous contre tous, c'est la vie.
Avec l'individualisme pour allié en or, place à un gâteau d'individus atomisés et lobotomisés, magnifiés par la société du spectacle et de la finance, si ouvertement dragués qu'ils n'oseraient se syndiquer sous aucun prétexte : bon pour la compète, ça, coco !

C'est ainsi, et de mille autres façons, que l'entreprise tire une société vers le bas et entend la façonner. Aux jeunes des années 1980 et 2000 qui nous alertaient du danger, nous n'avons pas voulu répondre; ceux d'aujourd'hui tentent de faire de même, moins nombreux, sous une pression économique plus forte encore, sous le danger croissant du débordement par des éléments que la raison politique n'atteint plus.

UNE AUTRE ENTREPRISE ?

Etre "pour l'entreprise" est une tautologie, être "contre" n'a pas de sens.
On entreprend mille fois par jour sans le savoir, en se levant le matin par exemple, on n'en fait pas un fromage pour autant : c'est dire la vanité du pseudo-débat "pour ou contre l'entreprise".
A un pédalage gracieux, mais vain, dans ce débat sans fondement, on préférera un questionnement sur ce à quoi devrait ressembler l'entreprise.

L'entreprise capitaliste, aurait pu dire Churchill, est le pire des systèmes à l'exception de tous les autres - mais avec ça on n'aurait pas avancé d'un cran. Il aurait pu dire de même de l'entreprise d'Etat, avec le même effet.

Un seul maître-mot : "régulation". Pas un hasard si, dans le monde néo-libéral, la dérégulation est à l'œuvre : ne pas tarir la source déconnante d'un monde absurde.

On pense au retour à des régulations classiques, inscrites dans l'histoire sociale et le droit (et pour cette raison déclencheuses de morgue et de rires gras). Une contre-révolution en quelque sorte, sans crainte du retour en arrière puisque, eh oui Mesdames et Messieurs les ridicules, socialement en tout cas, c'était mieux avant.
On vous le répète, ce qui est en cause, ce n'est pas l'entreprise elle-même mais ce que les désordres économiques du monde en ont fait.

Foin de son statut actuel : l'alternative génératrice d'une autre image passe par l'enseignement, tôt dans la vie, d'une idée de l'entreprise non hors du temps ou hors ou contre son environnement, naturel ou urbain, mais dedans, solidairement. Par la fixation d'un objectif : devenir instrument de croissance et de vie tourné vers la société. L'entreprise est à penser, enfin, non comme un challenge (qu'en l'occurrence on aura soin de prononcer "tchallaineuge"), mais autant à l'aune de ses promesses que de ses périls potentiels, et du défi humain et écologique dont elle se doit d'être l'actrice.
Et libre des prurits dont on gave les écoliers du commerce, bataillons sortant des ESCP de tous acabits : compétition et concurrence comme principes de départ, la gagne comme condition d'arrivée et de bonus, l'échec brandi comme normal, naturel, voire nécessaire - mais avec sanction vitale au besoin
On est bons, d'accord, mais faut pas pousser.

La liberté d'entreprendre est une exigence, elle ne peut échapper à la vie. C'est la première et la plus élémentaire des régulations.

Aux histrions déchaînés de la concurrence, prêts à débusquer le soviet suprême derrière toute régulation, on susurrera, doucement, pour ne pas leur faire peur, que sur une terre désormais finie le temps des grandes conquêtes est révolu, que la concurrence est une donnée humaine incompressible mais ouverte à l'organisation et à la raison, sans que quiconque, pour autant, ait à craindre de finir au goulag. Il est temps de remiser définitivement John Wayne, Reagan et les Bush au musée (Pierre Gattaz, candidat par anticipation à l'entrée chez Madame Tussaud ?).

Il est temps de regarder en adultes le théâtre de la concurrence, avec, pour incarner les méchants, les pays producteurs à bas coûts (en occident et ailleurs) et les entreprises, soit occidentales, soit locales et en contrat avec ces dernières, tous peu ou prou esclavagistes de malheureux fabricants de notre lithium ou de nos t.shirts. Où sont les gentils qui imposent des normes sociales pour l'importation des biens manufacturés, afin d'éviter des concurrences, déloyales avec les producteurs locaux - et trop souvent meurtrières dans ces pays-là ? Les gentils sont-ils ceux qui préfèrent fermer les yeux sur ces périphéries de l'économie pour acheter à deux balles des produits revendus avec marges fumeuses, et tirent vers le bas les marchés, les salaires et le travail en occident ?
Fermez-la, avocats de l'indéfendable.

Insoumis, pour l'entreprise évidemment. A l'heure actuelle, pour une entreprise productrice, ouverte, dotée en syndicalisme, en Institutions Représentatives du Personnel qui mesurent la création et la redistribution de la richesse, où le temps et les conditions de travail sont mesurés par une inspection du travail en effectif suffisant, où le.la citoyen.ne est autre qu'un.e hors la loi et le.la salarié.e en lien permanent avec la citoyenneté.
Ces conditions-là remplies, reparlons de tout le reste.

Elles ne sont pas prêtes de l'être ?
La parole est à Michel Jonasz :

"Changez tout changez tout
Votre monde ne tient pas debout
Changez tout
Changez tout
Changez tout"


(1) Il se trouva des analystes assez subtils pour n'y voir que paresse et attrait des jeunes pour l'emploi à vie et la vie facile.

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Qui êtes-vous ?

Quelqu'un qu'on sait être qui il est sans se douter qu'il est plus proche de celui qu'il n'a jamais été.