lundi 20 juillet 2009

Le temps nous jette à la mer

"Pur spectacle de vie
Le marché nous sourit!"

Marceau, mon très involontaire Camarade, cinq mois que tu es l'invité du présent registre des incertitudes bougonnes et flottements coléreux du gars moi-même. Pas une seule objection de la ligne politique ou des termes employés depuis mars : preuve de discipline socialiste, valeur aujourd'hui enfouie.

Le complot pivertiste est en marche
Pourtant la rumeur montait jour après jour au sein des cercles autorisés, loges bétonnées, sectes, clubs, assemblées dissemblables, d'un putsch pivertiste contre ce blog pourtant pivertiste.

Des mouvements de faucons rouges étaient signalés ça et là, jeunes bardés de drapeaux rouges hurlant des "El Marceau unido jamas sera vencido".
Le ministère fermait les yeux mais empilait les indices de l'explosion redoutée; les arrestations étaient planifiées, dont celle d'un jeune conseiller municipal divers-gauche et atomisé de Sevran.

La France voyait, angoissée, se réinstaller un cycle historique, avec pour départ un nouveau front populaire, et, à l'arrivée, la guerre.

La guerre.
Les privations. Plus de Boursin aux fines herbes au rayon "frais" de Carrefour, inconcevable. Tout ça parce qu'un ancien chef socialiste mort depuis longtemps attendait son heure pour une marche triomphale sur la Capitale !

Embêtement : quel vieux Maréchal pouvait bien faire le don de sa personne à la France face à l'adversité? Personne n'avait le profil, mais il s'en trouva quand-même un. "Bonchoir Bédabes, bonchoir bédeboizelles...", poussa-t-il sur TF1. C'en était déjà trop.

On basculait dans le cauchemar pivertiste !

J'ai demandé une protection publique. La menace pesait sur moi, avant tout : appels anonymes, colis piégés ou voitures-suicides jusque dans le jardin de la rue Maurice Berteaux, tout était possible et méritait au minimum la haute protection de la Mairie de Sevran.

Ils n'ont rien fait.

Un premier adjoint au Maire a marmonné, l'oeil absent, qu'on pouvait à la rigueur m'envoyer un garde urbain à la retraite dix minutes par jour ouvrable.
Une honte. Tous des pivertistes.

Pendant ce temps, la presse bourgeoise s'est emparée du dossier. Etat d'urgence? Revanche du marxisme sur un système libéral en crise? Pasqua attendait son heure, on le savait bien.

La réaction anti-pivertiste s'organisait prestement.
Les cercles zyromskistes recrutaient. Mais qu'est-ce qui pouvait bien conduire ces crétins à organiser la résistance au social-fasciste Pivert en envoyant machinalement des armes en Espagne? Soixante-dix ans après!?
Bernard Thibault affirmait dans "Le Monde" qu'il était sorti précipitemment de chez lui en robe de chambre et pantoufles, la nuit précédente, après avoir entendu la voix de Benoît Frachon lui enjoindre de "prendre les armes contre l'hitlero-trotskyste Pivert qui menace des décennies d'acquis ouvriers" (Jean-Christophe Le Duigou en profitait pour ne pas totalement démentir que l'Elysée avait pris contact avec lui. Genre : "fuyons").
Une manifestation place de la République rassemblait trois touristes qui cherchaient la rue de la fontaine au roi.

Emoi parlementaire.
Questions d'actualité au gouvernement. Marie-George Buffet de demander au Ministre de l'intérieur si "les femmes et les hommes de ce pays sauront un jour la vérité". Le Ministre de lui répondre : "Et Kravchenko? Vous voulez qu'on reparle de Kravchenko?"

Chute historique de la Bourse et des cours des haricots à Rungis.

Plan de paix proposé par "Le Pivert de Marceau" à Marceau Pivert

Pivert, je propose un plan de paix en cinq points.
Sans savoir lesquels, peu importe, on improvisera.

Premier point : le blog va redevenir pivertiste. Il s'est éparpillé, j'en conviens. Dont acte, la IIème internationale a pris quelques missiles dans les dents, mais le grand Marceau Pivert ne va pas prendre la défense de ce vieux raffiot dévoré par l'asticot libéral!?..

Deuxième point : je dois préparer une salade de riz pour ce soir, Cathrine m'en ayant fait la demande.

Troisième point, qui n'a strictement rien à voir avec ce qui précède, mais, Camarade Pivert, je suis en congés, et quelque peu en congés de raison : je te présente donc une idole des écrans et des radios de ce début de siècle, un patron, certes, mais, pardon, pas n'importe-quel patron, ah, que non.

Ce patron-là est jeune-beau et moderne, éligible au statut de gendre idéal de la ménagère de 40 à 95 ans. Un mec, Marceau, un vrai. Il s'est mis dans la tête d'en finir avec le vieux conflit capital-travail, sûr qu'un "autre" patronat (qu'il faut appeler "management" aujourd'hui, ça fait propre, dynamique et clinique, ça claque fort) est possible et capable de faire émerger un "autre" salariat (traduis : purgé de la CGT, de FO et de quelques autres). Il a dirigé "The phone house", il siège au CA de Virgin et de Peugeot-Citroën, il a présidé "Croissance plus", un truc moderne et tout, sympa et tout, qui veut améliorer l'image des patrons. Merde, quoi, il veut nous convaincre qu'un patron est comme lui : sympa et tout.
Proche de nous.
Proche des gens.

Ce que ni toi, Marceau, ni moi-même n'avons jamais contesté.
J'en ai connu, des patrons de qualité. Un d'entre eux a appris, la semaine dernière, qu'il était démis de ses fonctions de Président d'une entreprise d'Edition qu'il avait portée à un rare niveau de qualité et de rentabilité.

Mais bon, notre jeune et dynamique manager au beurre salé, Geoffroy Roux de Baizieu, est sûr, mordicus, qu'on se trompe tous, que "le système" n'est pas pourri, qu'on manque tous de coeur et de bon sens, et que si on en avait assez "le système" produirait du bonheur à satiété et Besancenot ne franchirait jamais la barre des 10%. C'est sa thèse. En gros.

Voilà, c'était mon troisième point, et comme on ne va pas y passer la nuit, Marceau, il n'y en aura pas d'autre.
Car je reste pivertiste. Ca devrait faire l'affaire.

On signe?

Tu retires les Faucons rouges de mon Jardin? Ils font peur aux chats.

samedi 11 juillet 2009

L'ENTREPRISE N'EST PAS PLUS NOCIVE QU'UN FOIE DE GENISSE

"Si grand est le marché
Si bons sont les marchands"

O mon Camarade Pivert


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Ci-dessus : Marceau Pivert "soutient les grévistes du XVème arrondissement" en 1936 (debout sur l'escalier). De quelle entreprise? Quelqu'un saurait reconnaître? Remerciements par avance, j'ai vécu vingt ans en face des usines Citroën...
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L'absence d'illusion est une des grandes libertés qui nous restent.
L'illusion, promène-couillons par lequel un système vous enchaîne. Les victimes consentantes arrivent à se trouver autonomes, fortes et libres néanmoins, incontestable réussite du fameux système, ou bien elles nient l'évidence de leur enchaînement pour ne pas perdre la face devant la famille, les amis, et continuer de se regarder en face.

Quelle illusion, quel système? Marceau et moi pensons sans doute aux mêmes. Pas difficile.

Non, on ne réécrira pas "Le Capital", que je n'ai d'ailleurs pas lu.
Mais, Marceau, un ancien leader de la Gauche révolutionnaire ne vas pas refuser un coup de gueule à un cadre moyen du privé pris d'une envie violente de casser de l'Entreprise?
Trente ans que je repousse les illusions de l'Entreprise, Marceau, je ne vais pas m'arrêter maintenant.

"Pourquoi l'entreprise?"
Pourquoi l'Entreprise ? Parce qu'on n'en parle pas, ou parce que la critique en est juste tolérée.
Comme une dissidence. Un furoncle. Une verrue. La critique n'est tolérée qu'à fin de la réduire et l'anéantir. L'Entreprise est protégée par une sacralisation plus ou moins consciente de toute création humaine; créer une Entreprise, la diriger, y participer, serait la finalité de l'existence, on ne sait quelle mission divine.
(Bien sûr, Marceau, je t'explique. Oui, brièvement. Je sais, tu as un apéro sous une tonnelle du côté de Nogent dans une heure. Mais tu as le RER, qui fonctionne si bien, alors ne stressons pas).

Un bonbon
Que l'Entreprise soit le bonbon de notre époque, rien d'anormal : on promet à qui veut l'entendre, pêle-mêle, le bonheur, l'épanouissement matériel et personnel, l'affirmation de soi, le triomphe de l'individu-roi, avec elle, l'Entreprise, pour terrain unique imposé, cour de récré et jungle à la fois, appât si séduisant pour tant de petites avidités. Illusion. Alors on y va. Dents longues et acérées pour les un(e)s, autoritarisme personnel ou arbitraire bien affûtés, avec, pour prétextes justificatifs, le résultat net, l'espoir de reconnaissance personnelle, le gain. Le bonbon. Pour les autres : obligation de suivre. Parmi eux, peu nombreux ont le goût de la morale et de l'honnêteté, mais ils existent...

Les organisations collectives, les constructions d'intérêt commun, l'enthousiasme qui ne déchaîne pas la concurrence étaient bons pour "avant", Marceau. Le système auquel nous pensons (le premier d'entre nous qui le nommera aura gagné) a fait place nette, l'Entreprise est Reine.
Elle est "la" valeur étalon du capitalisme moderne, vache sacrée débarrassée des règles, des droits sociaux et des syndicats, montrée en exemple à la société. Elle, la société, structurée en France par l'Histoire et la culture républicaines, par des valeurs individuelles et collectives issues de tant d'expérimentations enthousiasmantes et douloureuses, est sommée de faire allégeance à ce qui n'a ni Histoire ni culture, qui n'en a d'ailleurs rien à faire, un machin rivé sur le court terme, sans autre finalité qu'elle-même, sans autre valeurs que la création de richesse et sa plus inégale répartition.

Même le PS?
Tout récemment encore, effet des années quatre-vingt et de l'hyper-libéralisme qui ont installé son pouvoir exorbitant, l'Entreprise, qui l'eût cru, a aussi annexé le Parti Socialiste. Le PS entrait, depuis 1983, dans un rapprochement/retrouvailles avec sa vieille maîtresse social-démocrate européenne, ceci expliquant bien celà. Discours du retour à l'Entreprise, à la création de richesse, au silence dans les rangs; même le CERES, sur la fin, en avait toléré le diktat - tout en pariant vainement sur une mobilisation citoyenne simultanée pour en contrebalancer l'influence.
Mes anciens "Camarades" paraissent être revenus de leur addiction. Après nombre de départs du PS ou de ses périphéries, instances dirigeantes comprises, vers des postes haut-placés dans le privé; confèrent Frédérique Bredin, passée du secrétariat national du PS au groupe Hachette, ou Jean-Bernard Lafonta, du cabinet de Ségolène Royal à Wendel investissements...

Reste que l'idéologie de l'Entreprise-Reine a construit sa propre officine de pression idélogico-médiatique. Lève l'ongle de ton petit doigt pour objecter contre l'Entreprise, du plus simple au plus complexe, et les obligé(e)s économiques et politiques du medef envahissent écrans, journaux, internet, une haie d'honneur prête pour leur Reine absolue.

C'est dire si le sujet est encombrant, et s'il est ardu, voire inconcevable, de mettre l'Entreprise en question.
Or, voilà le hic : il ne s'agit pas de l'abolir, mais bien de la questionner. Pour ses thuriféraires exaltés, c'est blanc-bonnet et bonnet-blanc.
Sacralisation...

Mais c'est vieux comme Hérode, l'Entreprise! Il a toujours fallu un ferronnier, un maréchal ferrant, une laitière, il nous faut de l'industrie et des services aujourd'hui et qui s'opposerait (en dehors des soviets, jadis) à ce que tout ce monde-là s'assure de la marge pour vivre?

Faut-il pour autant que les modèles de l'Entreprise s'imposent à la société?
Faut-il au passage faire table rase des modèles sociaux, solidaires, non-financiers?
Pourquoi l'ambiance, à l'intérieur des murs des entreprises, est-elle à la soumission et à la répression? L'Entreprise est-elle zone de non-droit civil?

Oui, bien sûr, que fais-je de décennies de luttes sociales qui ont abouti à tant de conquêtes, congés payés, réduction du temps de travail, droits syndicaux et sociaux...
C'est un fait, mais ça n'est pas le sujet.

Le sujet tourne plutôt autour de l'organisation de la société. En gros, ce qui fait qu'en dépit de toutes ces glorieuses conquêtes sociales, explose le concept de "souffrance sociale"; innocente, l'Entreprise, alors que toutes les valeurs ou pseudo-valeurs qui mettent l'humanté à genoux sont puisées dans son modèle?

Allez, j'arrête.
Je viens d'apprendre que les salarié(e)s des Galeries Lafayette, après ceux du Printemps, sont obligés de travailler le 14 juillet. Effacée, la fête nationale. Effacée, la Nation. Vive le shopping.
L'illusion est maîtresse : tant et tant s'époumonnent, "pas d'erreur, ils travaillent sur la base du volontariat, personne ne les oblige!" Et puis non. Ils peuvent ne pas travailler, mais s'ils ne travaillent pas, c'est une journée de salaire en moins.
Et, tiens, Marceau, à Ikea, ils, les salariés, peuvent ne pas travailler le dimanche... sauf si une majorité accepte de travailler. Auquel cas, allez, au boulot. Et tant pis pour la famille, tant pis pour le temps, le rêve, l'insouciance.
Le 1er mai n'a qu'à bien se tenir.

J'arrête. Ca vaut mieux. Je finirais pas m'énerver, Cathrine n'aime pas ça.

dimanche 5 juillet 2009

Petits pois, épopées de guingois

"Si brave est le marché
Qu'on ne brave pas le marché"

Rappelez-moi leur nom, déjà?

Il était une fois l'orchestre du club des Coeurs solitaires du sergent Poivre.
Je suis le morse, Marceau, aussi sûr qu'une dinde froide.
Pas de héros de la classe ouvrière sans oignon de verre.

Dès que tu nais, ils te rabaissent
Et te privent de ton temps, en dépit de tout.
Jusqu'à ce que la douleur soit trop forte, tu ne ressens rien.
Un héros de la classe ouvrière, çà existe bien.

Le morse du Dakota enterre un âne, rien de mieux à faire. Il dit que rien ne changera son monde. Il faudrait que je vous fasse rencontrer, Marceau, tu aurais à lui en dire...
Mais, radin Monsieur Moutarde, ne me laisse pas tomber.

Tu peux me parler, si tu es seul tu peux me parler.

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Quelqu'un qu'on sait être qui il est sans se douter qu'il est plus proche de celui qu'il n'a jamais été.