mardi 2 mai 2017

BOUTEILLE INSOUMISE A LA MER (DERNIER ACTE)

Monsieur le Ministre et candidat,

Avec ce courrier, "que vous lirez peut-être, si vous avez le temps", j'enterre un immense doute quant à mon choix de vote pour le second tour des élections présidentielles, pour ne pas dire un refus catégorique de voter pour vous. Et je vais voter pour vous.

Monsieur le Ministre et candidat, votre intransigeance idéologique, vos faiblesses et décisions malheureuses, sont autant de suffrages offerts à votre concurrente; parmi ces dernières, votre refus de revenir sur la loi travail. Votre subordination aux lois du marché et de la concurrence, surtout sociale, envoie des pans entiers de nos concitoyens dans le camp nationaliste - sinon national-socialiste.

Les cris d'orfraies, les indignations, voire les dénonciations, face au basculement d'électeurs insoumis vers la candidate néo-fasciste dans les intentions de vote, sont d'une insupportable hypocrisie. Jetez aux orties les inemployables et autres refuzniks de l'économie concurrentielle, poussez-les au plus violent désespoir, allez les traquer chez eux pour qu'ils ne profitent pas de leur ARE sans rien faire et, surtout, faites battre au premier tour le seul candidat qui leur propose d'exprimer leur rage à l'intérieur du cadre démocratique : parvenus à ce stade de rejet, ils ne sont ni insoumis, ni d'extrême-droite, mais seulement convaincus d'être laissés à eux-mêmes, et proies idéales pour le vautour charognard fasciste qui vous est opposé le 7 mai prochain.

Et ne nous servez pas leur conscience, leur responsabilité, et autres fadaises rhétoriques : faites le premier pas, tirez ces gens des mâchoires du marché ivre de puissance destructrice (et si peu créatrice), faites votre travail de candidat aspirant à diriger un pays et son peuple, vous pourrez ensuite, mais seulement ensuite, attendre de ce peuple la vertu et la raison, et il se les devra.
Et justement, Monsieur le Ministre et candidat, notre perspective est d'aller voter pour vous, avec une certitude forte que, si vous êtes élu, le marché dérégulé poursuivra sa marche folle ! La réconciliation du capital et du travail, qui selon vous permettrait qu'il en aille autrement et que vous vendez en arrière-plan de votre projet, a autant de crédibilité qu'une chute de pluie dans le désert saharien.
Mais vous, incarnation de la constance néo-libérale, nous demandez, à nous électeurs insoumis du premier tour, d'assurer votre élection au second, et de nous protéger d'un péril national-socialiste que ce même néo-libéralisme a avivé. Mieux, et pires à la fois, sont vos attaques contre un candidat défait au premier tour, dont le travail et le nôtre ont permis de contenir et l'abstention et le vote lepeniste.

Monsieur le Ministre et candidat, personne, strictement personne, parmi les insoumis mobilisés autour de leur candidat, n'a jamais placé au même échelon d'importance ni de valeur votre candidature et celle de votre adversaire. Nous avons protesté contre le discours nauséeux qui fait de nous des proto-lepénistes, ou simplement inconscients et irresponsables, parce que nous ne nous précipitons pas dans vos bras.

Vous savez que les électeurs de Hamon et Mélenchon, légitimement effrayés par la montée de l'extrême droite et qui appellent à voter pour vous pour nous en préserver, tout en se et vous promettant le fameux 3ème tour social, n'ont aucune idée de à quoi il pourrait ressembler. Votre élection, si elle se fait, nous clouera tous au sol, assez longtemps pour que la dynamique du marché, relayée par le syndicalisme "réformiste", prenne une longueur d'avance décisive sur toute réponse sociale. "Mélancolie de gauche", disait Traverso.

Je vais aller voter avec la certitude de la faiblesse extrême de mon acte.
A mon sens, démocratie et néo-libéralisme ne sont qu'oxymore.

Veuillez agréer, Monsieur le Ministre et candidat, l'expression de mes sentiments dépités et ma fidélité inconditionnelle à la République.

Gilles Kujawski

Membres

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Quelqu'un qu'on sait être qui il est sans se douter qu'il est plus proche de celui qu'il n'a jamais été.