mercredi 28 décembre 2022

"C'EST ECRIT D'AVANCE" : LA VICTOIRE POSTHUME DE GAVRILO PRINCIP.

                                                                      Sur les Gauches

Les Gauches sont une panne systémique. L'une a signé sa propre mort avec les traités de Maastricht et de Lisbonne, l'autre est dans la tentative désespérée de ne pas disparaître - et signe, avec la première, des accords électoraux de survie, qui ne remédient pas à son état. La première et la seconde revendiquent la légitimité du pouvoir quand plus personne ne vote, embauchent des écologistes dans leur fantasme, et stérilisent puissamment les possibilités d'alternatives.

La gauche est pour elle-même un handicap structurel, un complément alimentaire pour les droites et le néolibéralisme. La gauche ne produit rien. Elle attend du cycle démocratique une alternance électorale magique, qui permettra à son aile sociale-démocrate de poursuivre le travail néolibéral - en moins pire, jure-t-elle, et sous la véhémente protestation communiste. Or la droite, le système dominant, ne rendant pas leur tablier, la certitude des hiérarques de gauche que leur victoire est acquise, un jour, ou l'autre, tient du château de cartes.
La gauche ne se tirera du bourbier que moyennant un gros travail de fond : sur les conditions d'un bonheur commun conjuguant la culture et la planète d'un côté, la République, la Nation,  l'Europe et le monde de l'autre. Sur elle-même, aussi et surtout, et son incapacité pathétique à endiguer deux déclins : celui du cycle républicain et social issu des trois derniers siècles, et le sien propre.

Mais l'attraction du vide n'y suffit pas. Les gauches ne travaillent qu'à leurs arrangements électoraux, aveugles à la démission civique et culturelle : la voie est ouverte à la conservation du marché comme boussole totémique, ou à quelques aménagements, comme un "pire des systèmes, à l'exception de tous les autres" (Pierre Mauroy). Comme si suffisaient aux gauches leurs milliers de petites mains locales, élu(e)s, associatif(ve)s, acharné(e)s au chevet de la vie quotidienne, nues face aux contraintes économiques et sociales pour juguler les pauvretés et les misères. A son tableau d'honneur - en dehors des années 1981 à 1983 - la "gauche unie" n'accroche que le RMI et la CMU, les Restaus du coeur, et on en passe, elle ne génère que rejet et indifférence méfiante dans ce Peuple dont elle cherche tant les suffrages perdus.

                                                   Refondations, créations, LFI

L'ordre du jour militant et électoral de gauche, depuis les déclins du PCF et du PS, est de "refonder". Toutes les tentatives ont échoué, des Refondateurs communistes aux dissidences socialistes de J.P. Chevènement et du MDC (dans lequel militait l'auteur de ces lignes). Dans un grand marais de gauche surnagent depuis, tant bien que mal, des militant(e)s en attente d'une "nouvelle donne" (le mouvement éponyme ne décollant pas, lui non plus). C'est sur un désespoir de gauche que s'est créé le Parti de Gauche, en même temps que s'affirmait le courant écologiste.

Mais qu'importent, au fond, les refondations échouées, les créations de partis et mouvements, le dernier en date étant La France Insoumise : le plus important est ce qu'ils traduisent, à savoir l'acharnement d'une fraction militante importante se reconnaissant dans la République sociale, pour échapper au PCF et au PS. Autant le dire clairement : à la gauche.

Nous avons rejoint la France Insoumise en soutien à la République, en connaissance et conscience de l'aléa et de la précarité de l'entreprise, de nous-mêmes en tant que militants dans les "groupes d'appui" puis d'"action". Travaillé à "L'avenir en commun". Nous faisons avancer, localement et nationalement, des idées républicaines, avons fait nôtre l'exigence écologique dans la lignée du Parti de gauche, il y a plus de dix ans. Nous essayons de percer les ressorts, dont sociétaux, sur lesquels le capitalisme construit sa survie et contrarie les prévisions régulières de son effondrement. Nous apprenons. L’épreuve du réel est parfois d’une dureté extrême, le vertige nous assaille au détour d’une « République c’est moi » et des répercussions politiques et médiatiques d’un divorce raté. Nous avons éprouvé 6 ans de LFI, ses tensions, distorsions, les aléas du "gazeux" et les périls, plus présents que jamais, de la verticalité. Nous avons des cautions, des points d'appui, ces Livrets thématiques, ce groupe parlementaire travailleur sans relâche, qui secoue l'Assemblée et honore son mandat.

... Et cet ancien Président de groupe parlementaire, trois fois déjà candidat à l’élection présidentielle et à l’impossible tournée d’adieu.

                                                               Mélenchon, Jean-Luc

Tout le monde connait ce brillant alliage de culture et de technique politique, et son effet dynamiteur sur la vie politique. Nous avons un leader aussi populaire qu'insoluble dans une modernité (ou un modernisme) façonnée par le néolibéralisme. Il n'y aurait pas de nouveau François Mitterrand, aussi distant et de sang froid qu'une situation génère d'indignation et de colère. Non, ce leader-là répercute la colère telle une mèche destinée à l'explosion, aussi sûrement que la nuée porte l'orage, ou qu'une tension doit déstabiliser l'ordre établi.

Voire. Déstabiliser ? L'ordre établi fait tourner le monde, politique, médiatique, à l'immédiateté, à l'émotion, au plan serré, retourne la colère contre le coléreux qui, via l' "info en continu", est dépeint en instable, dangereux, décrédibilisé. C'est l'épisode de la perquisition au siège de la FI, illustration de la digestion du monde par la société du spectacle . Le même ordre établi déverse sur ses opposants une émotion populaire ou politique qui les ensevelit corps et biens, dès qu’une erreur, de la plus banale à la plus médiocre ou impardonnable, les pousse hors de leur piédestal et révèle leurs failles plus ou moins profondes. Avec deux affaires concomitantes, Adrien Quatennens et sa réorganisation, la FI a opéré une répétition de ce que pourrait être un parfait hara-kiri politique, et fourni à l’ordre établi un kit impeccable pour l’assassiner. En toile de fond, un chef ultra-charismatique auquel rien, à commencer par l’ordre établi, n’était censé résister, et dont les deux affaires montrent que c’est de sa propre organisation, de son propre édifice, que vient la résistance la plus farouche.
L'ordre établi a souvent prouvé qu’il sait retourner à l'envoyeur la bombe destinée à le faire exploser : la FI organise en septembre 2017 à Paris une imposante marche contre le "coup d'Etat social". Dans son discours place de la République, le président du groupe LFI à l'Assemblée, en recherche, plutôt réussie jusque-là, de stature de chef, lâche une phrase sur "la rue qui, en 1944 à Paris, a abattu les nazis". Kyrielle immédiate de condamnations, contre-réactions, interviews. Autour de la manifestation ? Non, autour de "la" phrase. La manifestation doit se contenter d'un traitement médiatique secondaire, elle n'a quasiment pas eu lieu.

L'ordre établi a dans son sac un autre tour décisif : une rationalité strictement économique, qui range dans le "hors-raison", l'irrationnel par nature, ce qui n'est pas néolibéral. La critique du marché, de la finance, de la mondialisation, la critique elle-même, est irrationnelle et disqualifiée. La rationalité économique étant seule raisonnable, ipso-facto la raison ne l'est pas. C’est ainsi qu’elle est non-seulement contenue, par le combat féroce de l’économie néolibérale contre les alternatives économiques et politiques qui pourraient lui faire de l’ombre par voie électorale, mais aussi et surtout chassée. L’ordre établi a vaincu l’esprit critique. La course réussie à l’abime social et environnemental a convaincu les peuples de la puissance invincible de son initiateur et promoteur, le néolibéralisme. Ils ont déposé les armes, et s’en remettent à lui, résignés, vaincus, pour tenter de sauver ce que ses opposants ont laissé détruire. Dans le même temps, les évangélistes affichent une belle santé en Occident, et le peuple chinois est devenu une immense chair à pâté pour les plus terrifiantes recettes néolibérales orchestrées par un pouvoir officiellement communiste.
 
Qui, pour dénoncer le pouvoir sans partage de ce délire, aux dépens destructeurs de la Raison, philosophique ou historique? Qui pour en dénoncer le résultat, à savoir que le maître des horloges se fait aussi maître de nos esprits, de nos temps de cerveaux disponibles ?
La tâche de déconstruire ce stratagème devrait être la nôtre, au plus haut niveau. L'immersion de la raison, de l'idée philosophique même, dans la sphère publique, est aussi farfelue, inconcevable, pour l'économisme néolibéral, qu'elle est vitale pour la reconquête conscientiste des esprits. Affaire d'éducation nationale en temps de pouvoir, et de pédagogie en temps d'opposition. Ce devrait être à la hauteur d'un mouvement aussi proche de l'éducation populaire que la France Insoumise.
Mais, ce stratagème, l’ancien Président de Groupe veut le défier en annonçant sa défaite téléologique.  La Raison, la vraie, vaincra, un jour ou l’autre, c’est écrit, il se fait fort de le démontrer, fermez le ban.  Jaurès, plus fort que Bill Gates, l’évidence déclenche le basculement de l’Histoire. Du coup, il n'en finit pas d'appeler à la seule, vraie et grande Raison, au plus fort de l'intelligence humaine, à l'esprit, au coeur. Toute sa grandeur est là. Ce faisant, il s'installe, avec son panache habituel, dans un Palais, celui de la Raison, que le capitalisme a cambriolé, vidé, dont il ne reste que des murs lézardés. Car la rationalité économique n'a que faire des Palais et de leur temps long : le "tout, tout de suite" économique se satisfait d'un bureau en open-space et climatisé.
La Raison a déménagé sans laisser d'adresse, mais c'est à elle qu'on continue, mordicus, de s'adresser.
Et la parole mélenchonienne de se perdre dans des bâtisses perdues, de s'évaporer à la vitesse du son et de l' "info". Le fond est un territoire à l'abandon, le public ne l'imprime plus. L'empire économique libéral moderne et médiatisé est formel. A la rationalité économique, hégémonique sur le temps présent et l'imagination du futur, la raison, déplacée du présent vers le néant, n'oppose plus qu'une légitimité historique, dont notre modernité mémophage n'a que faire.

                              "C'est écrit d'avance" : la preuve par Gavrilo Princip et Yigal Amir

Le 28 juin 1914, quelques secondes ont suffi pour faire basculer un monde en tension extrême dans la guerre. Il y avait de l' "écrit d'avance" là-dedans, avec cet entrelacs d'alliances et de traités internationaux à même de faire exploser la bonbonne militaire, diplomatique et industrielle, dès la plus petite flammèche. Le 28 juin 1914, l'assassinat de l'archiduc François-Ferdinand d'Autriche par Gavrilo Princip, irruption d'un acte solitaire, fou, imprévisible, et l'explosion de la première guerre mondiale qui s'en est suivie, ont imposé le bouleversement d'un jeu prétendument maîtrisé par les institutions.
Dépossession du cours de l'histoire par des actes individuels plus ou moins isolés, condamnant des chefs d'Etats et de guerre à suivre et aggraver un mouvement qu’ils n’ont pas initié, déstabilisation de la prévision historique, basculement instantané et brutal dans la tension extrême, aux portes de la guerre : la recette, en veilleuse jusqu'à l'éclatement du bloc soviétique et la mondialisation néolibérale, a aujourd'hui rang de doctrine.

Entre l'attentat de Sarajevo et aujourd'hui, il y a la création de l'Etat d'Israël, la coexistence introuvable entre peuples israélien et palestinien, et la montée en puissance de l'extrême-droite israélienne. Impossible d'attribuer à celle-ci, avec certitude, une bombe explosant à Tel-Aviv peu avant un scrutin législatif devant, normalement, porter les travaillistes au pouvoir, et amenant finalement une large majorité du Likoud. L'assassinat de Yitzak Rabin, premier ministre travailliste, par Yigal Amir, colon israëlien fanatique, porte en revanche sa signature. Avec un effet déflagrateur, inespéré et multiple : mort annoncée du processus d'Oslo, triomphe des colons israéliens fanatisés, poursuite pour longtemps du conflit entre Etat d'Israël d'un côté, "autorité palestinienne" et Hamas de l'autre.

Il y a la guerre russe en Afghanistan et les guerres occidentales d'Irak. Après l'attentat contre les tours du World Trade center de New-York en 2001, Ben Laden, souriant, déclare que l'Occident, désormais, ne pourra plus dormir tranquille. Avec la deuxième guerre d'Irak débute une ère où l'instabilité est reine, aggravée, en économie, en diplomatie et sur le plan militaire, par l'entrée de la Chine dans l'OMC en 2001. La mondialisation néolibérale et sa fascination pour les dérégulations fabriquent les futurs illisibles et imprévisibles. La ruée vers l'immédiat condamne l'anticipation, la planification - qu'elle fait passer pour soviétique. Enterrement assuré.
Qui n'a jamais ressenti une profonde inquiétude, ces trente dernières années au moins, face à une marche du monde faite d'exploitation maniaque, sans vergogne, des ressources naturelles et humaines ? Michel Serres, peut-être, et autres idiots du village planétaire. Pour lesquels le souci de conserver les équilibres sociaux et environnementaux traduit forcément une fascination pour le passé. "C'était mieux avant, uh-uh".

Ce qui est écrit d'avance, ce que nous lègue l'histoire récente, c'est une planète épuisée, privée d'horizon par une idéologie mortelle (qu'on dénommera "capitalisme" privé ou d'Etat, pour faire court) et ses déjections nationalistes, incapable de mobiliser l'intelligence humaine pour anticiper les catastrophes climatiques (l'anticipation collective étant contraire à la règle économique individuelle), terrain de jeu pour des illuminé(e)s qui en ont mesuré et perçu les déséquilibres et les fragilités. Heure de gloire. A moi, les réseaux "sociaux", à moi les Kalash, les camions écraseurs, le poignard vengeur. A moi l'imposition et la maîtrise d'un nouveau tempo politique, les titres des médias, l'émotion des puissants, la crainte des pauvres à leur dévotion.

En cela, oui, la concomitance du libéralisme économique et des folies individuelles est écrite d'avance. 

samedi 24 décembre 2022

PREVISIONS EXCLUSIVES POUR 2023

Ces prévisions annuelles sont le fruit d'un travail de plusieurs dizaines d'années. Les précédentes, qui portaient sur l'année 2022, ont été couronnées de succès : plusieurs faits susceptibles de se dérouler en France au soir de 2021 ont bien eu lieu en 2022. Citons notamment 730 000 naissances et 660 000 décès (*),  la diminution nette du temps passé à l'hôpital en bonne santé, l'allongement continu du temps de loisir des Français sans qu'ils s'en aperçoivent, l'aide enfin apportée à des premiers de cordées dépressifs pour reconstituer des marges bénéficiaires en déshérence, ou le saut spectaculaire de Mme Marine Le Pen de la deuxième marche de l'élection présidentielle en 2017 à la deuxième marche de l'élection présidentielle en 2022.

Nous continuons donc notre oeuvre d'intérêt public.

Plusieurs prévisions pourront vous sembler déroutantes tant elles vous surprendront : leur objet est justement de vous fournir une arme temporelle à même de vous permettre de maîtriser votre destin.

Bonne année 2023 !

2023, année de l'emploi et du savoir-vivre

. Dès le premier trimestre, des milliers de sans-emploi se verront proposer des postes d'avenir à Doha. Sur place, délivrés de passeports encombrants, libérés des emprises étatiques, ils connaîtront les joies de la vie en collectivité, du coucher au lever, dans des locaux spacieux dotés de lits jumeaux sur trois niveaux, et branchés jour et nuit sur TF1. Pour ces jobs très cool, l’accord passé entre autorités françaises et qataries prévoit un distingo possible entre période d’essai et période décès.

. Au deuxième trimestre, la société "Parnasse" enverra des milliers de jeunes en formation dans un riad de Marrakech, où Dominique, coach hyper cool, souriant et tout ("Dom" pour les jeunes) les initiera aux vertus transcendantales du billet de 100 dollars. Entrés à Marrakech avec le statut de riens-que dalle, ils en sortiront munis du diplôme de DScaïd, et exemptés de stage de formation au Sofitel de New York.

. Contre les nuisances occasionnées par les éoliennes, et soucieux de décarboner l'économie, M. Emmanuel Macron fera voter une loi obligeant tout propriétaire d'un lopin de terre au-delà de 10 m2 à y faire installer un EPR nouvelle génération. La création de 3 millions d'emplois et d’autant de millions d'euthanasies volontaires sur 3 ans est prévue.

2023, année de la culture

. Tout juste nommée Ministre de la jeunesse et de la culture, Mme Line Renaud instaurera un "Passe-passe culture" qui permettra à des jeunes qui n’ont pas su répondre à l’appel de la nouvelle économie, ou ont jugé indispensable de refuser une offre d’emploi de serveur en salle chez McDonald’s, de trouver du réconfort en s’offrant un CD de Michel Sardou à moins 30%,

. Mme Line Renaud ouvrira enfin aux jeunes les portes des Musées, en leur facilitant l'obtention d'un CDD de gardienne ou de gardien,

. Toute nouvelle implantation de centre commercial en zone naturelle artificialisée sera interdite, sauf si le centre commercial accueille une troupe de spectacle vivant devant l’entrée du Leclerc ou du Auchan, à raison d’une heure par semaine (en moyenne),

2023, année du patrimoine

. Pour libérer la mémoire nationale de souvenirs accessoires, les noms des morts des regrettables échauffourées ayant opposé la France et l’Allemagne de 1914 à 1918 seront remplacés, sur les monuments aux morts, par ceux des victimes innocentes d’étrangers en situation irrégulière sur notre sol,

. L’inscription sur la liste des monuments historiques sera désormais ouverte limitativement aux châteaux familiaux excédant 3 000 m2 habitables, 55 hectares de jardins, et dotés de 25 tours minimum certifiées,

2023, année politique

. Gravement mis en cause pour une régurgitation inexpliquée de sa fille â l'âge de deux mois, M. Adrien Quatennens créera le MLAQ (Mouvement de Libération de Adrien Quatennens),

. Dénoncée au sein-même de son groupe pour non-respect du code vestimentaire imposé à tous les parlementaires du Rassemblement National, Mme Marine Le Pen portera désormais un costume bleu et une cravate,

.  M. Jacques Attali et M. Jean-Pierre Raffarin travailleront à la création d’un parti politique nouveau et fortement innovant, avec pour objectifs la jeunesse et la liberté,

. La Boisserie, ancienne résidence du Général de Gaulle, sera déplacée dans les jardins du Conseil Régional de Auvergne-Rhône Alpes, ou dans le jardin personnel du Président de la Région. Celui-ci n'écarte pas officiellement d'aller en personne casser la gueule à Xi-Jing Ping,

. M. Jean-Christophe Lagarde créera en 2023 des partis politiques nouveaux et fortement innovants, jeunes libres et pleins d'amis. Il n’en a pas encore fixé la quantité,

. Un Comité et un site « Mélenchon 2032 » seront fondés dès le premier trimestre,

. En phase définitive avec la société, Europe-Ecologie Les Verts créera une commission spéciale contre l'écologie punitive,

. M. Fabien Roussel l'assure, il lira moins mais mangera plus,

. Le Parti Socialiste engagera des démarches en vue de faire annuler le congrès de Tours.

 





(*) Chiffres des années précédentes, qui pourraient rester valables les années suivantes.

mercredi 14 décembre 2022

Dérèglement climatique à la France Insoumise : ça suffit.


Un mouvement politique de type nouveau comme La France Insoumise ne peut faire l’économie de crises de croissance, après seulement six ans d’existence.


Les deux crises qui secouent le mouvement sont sérieuses, sans revêtir la même dimension. Deux autres sont latentes : la société du spectacle en premier lieu, et la critique, son exercice et son expression, sont et restent des impensés de la FI, non des moindres et potentiellement destructeurs, à leur tour.



La première crise, aussi ancienne que la fondation du mouvement, a trait à son fonctionnement interne. Ni l’appel à la mobilisation, lancé par J.L. Mélenchon pour dépasser les débats et querelles nés de la dernière réorganisation, ni les contestations de la verticalité et appels à la démocratie interne, ne peuvent suffire à ramener de la sérénité au sein de la FI. Les militant(e)s et sympathisant(e)s, oublié(e)s de marque dans cette histoire, attendent, pour le retour à un climat de confiance, un débat, qui, au minimum, doit reposer 1 - sur le desserrement et la transparence, dans la communication des dirigeant(e)s de la FI, et la dissipation de l'épais brouillard actuel autour de la responsabilité politique dans le mouvement, 2 - sur l’absence de tout soupçon de positionnement personnel, en lui-même consubstantiel à l’activité politique, mais qui passe mal dans des situations particulières de crises comme celles que traverse la FI.

Deux conditions sine qua non pour que les bouches s’ouvrent dans un esprit coopératif, et dans un climat intellectuel et politique détendu. Le champ du débat est large.


L’autre concerne Adrien Quatennens. L’affaire a trop duré. Dès sa publicité, elle devenait politique : les actes reprochés à Quatennens étaient graves, coïncidaient avec la conscientisation féministe d’une partie de la société, et avec une lutte féministe permanente pour la maintenir et la renforcer, contre les féminicides et pesanteurs persistantes. Les débats au sein de la FI, où la prise en compte du féminisme a été et reste heureusement forte, étaient inévitables. 

Aujourd’hui, la justice s’est prononcée (et le commentaire de la Procureure est éloquent). Quatennens a reconnu sa responsabilité, même maladroitement. Les propos tenus quand l’affaire a éclaté (et il y en a eu, entre le dispensable et le malheureux), les faits intervenus depuis, jusqu’aux plus récents ici-rappelés, peuvent-ils justifier le maintien d’un quelconque statut de paria pour Quatennens, y compris au sein de la FI ? Qu’il mobilise toute sa lucidité, sa conscience, et sa responsabilité, pour donner à son action politique une suite en cohérence avec tous ses engagements antérieurs : très lourde de conséquences, pour lui et pour la FI, mais c’est la voie la plus rationnelle. 

En termes pessimistes : c’est la pire des solutions, mais il n’y en a pas de meilleure.


Sur le spectacle : l’association d’un mouvement politique à une kyrielle d’images (la plus récente, et hautement toxique, étant une confession para-psychanalytique de Quatennens, en direct sur une chaîne d’information en continu), et, simultanément, à un désert d’élu(e)s locaux/locales et à des militant(e)s introuvables, est au plus haut point nuisible et, à terme, susceptible d'entraîner sa disparition. Le gazeux soluble dans l’image de masse est, paradoxalement, une preuve d’inexistence, que ne peuvent compenser ni la surface médiatique du leader, ni les unes de journaux ou déballages médiatiques.

Il faut donner de la chair politique et intellectuelle à la FI, ou se résoudre à son évaporation silencieuse. Or elle reste, pour beaucoup, le seul choix politique possible.


Et l'on ne pourra longtemps négliger cet autre paradoxe, dialectique, que la mobilisation et le combat n'anéantissent pas l'esprit critique, mais au contraire l'affûtent et le développent. La critique est consubstantielle à la FI et se cherche, malgré cela, parfois douloureusement, des voies d'expression.

Aucune critique ne freinera la mobilisation si elle est intégrée aux mécanismes de fonctionnement du mouvement. Ce qui implique la double exigence d'ouverture côté premier cercle de direction, et de co-construction en climat de confiance dans les autres strates. Ce climat n'excluant aucune expression, n'appelant aucune censure ni auto-censure : tout réside dans une volonté commune d'écoute, de dialogue, de conviction et d'autocritique. En un mot : dans la confiance mutuelle. Celle, précisément, qui détermine la possibilité ou non de gagner un combat ensemble.


En tout état de cause, il est temps que la raison recouvre ses droits. La FI fait figure d’outil nécessaire, mais conçu hâtivement et maladroitement. Il est temps de revoir la copie pour lui donner ses chances de grandir encore.

A chacun(e), à toutes et tous, de prendre sa part de travail.



 

mercredi 7 décembre 2022

La Société Générale à l’assaut de la Philharmonie de Paris

 

Mercredi 7 décembre, à la Philharmonie de Paris. Une salle magnifique, à l'acoustique inestimable, plantée au bord du périphérique, porte de Pantin.

Mercredi 7 décembre, donc, un concert à l’affiche : « Playing for Philharmonie ». Dirigées par le chef d’orchestre le plus en vue du moment, François-Xavier Roth, des œuvres de Brahms, Charpentier, Tchaikovsky, Verdi, interprétées par 350 musiciens, orchestre et chœur. Du grand. On s’en pourléchait les babines.

Bon, il y avait ce titre, « Playing for Philharmonie ». Pourquoi un américanisme, quand « Jouer pour la Philharmonie » eût été bienvenu et suffisant ? Mais on choisit de fermer les yeux.

On les rouvrit, pour découvrir sur le programme que le concert était co-financé par La Société Générale. On tiqua. Le mécénat, cette huile de foie de morue de la culture, qui, à la différence de l’huile, ne guérit de rien. Pire, elle aggrave le mal, sous couvert d’élargir les possibles, d’ouvrir vers du plus et du mieux. Du plus, soit. Du mieux...

On prit place. Un film introductif au concert : les coulisses de cette 12ème édition de « Playing for Philharmonie", qui se termine par un plein écran « Société Générale  : l’avenir, c’est vous ». Il aurait été plus honnête de remplacer ça par « Société Générale, notre avenir, c’est vous, vos placements, vos emprunts, vos arriérés bancaires ».

Le concert démarre.

Roth se saisit d’un micro après la première œuvre. Présente le projet "Playing for...". Le mot « challenge » est prononcé une première fois. Pas le mot francophone « challenge » ni son intonation, mais sa version américanisée, « tchallainje ». Le mot se faisait déjà entendre dans le film introductif, ça commençait à faire beaucoup.

Et Roth de continuer, et nouveau « tchallainje ». Il fera quatre interventions durant le concert, avec, dans chacune, l'irruption de ce maître-mot de la nov’ langue moderne.
Bon, allez, quoi, on se détend, du plaisir, du bonheur, du Brahms (Un requiem allemand, quelle merveille), du Tchaïkovsky, on oublie un peu le négatif !

Pas si simple.

Car le Maestro termine sa prestation en reprenant le micro, remercie légitimement toutes et tous ses collaboratrices et collaborateurs (dont beaucoup de musiciennes et musiciens amateurs)... et se lance dans un hommage appuyé à la Société Générale. Il faut qu'on sache, dit-il, que jamais le concert n'aurait eu lieu sans la SG, et tout ce que la SG fait pour la culture. Et Roth de la remercier et la faire applaudir.

Nausée.

Restons calme. Avant le début du concert, déjà, une musicienne était venue préciser que la recette du concert serait doublement abondée par la SG, et le tout reversé, pour permettre à 1 200 personnes de venir à la Philharmonie, qui, normalement, n'y auraient pas eu accès.

Et alors ? C'est le vif du sujet. On comprend donc que sans le concours et l'offensive publicitaire et marketing d'une banque, l'accès à la Philharmonie est impossible pour (au moins ? Au minimum?) 1 200 personnes. Enormément plus, en réalité. Les 1 200 personnes sont une goutte d'eau.
Ca devrait ne pas poser plus de problème que ça ?

Eh bien si. Passons sur le principe : une banque arrive à se rendre indispensable à un établissement public, la Philharmonie. On appelle ça le grignotage du public par le privé, ou privatisation rampante. Ca commence par un logo sur un programme, on ne sait jamais où ça finit.
Ou plutôt on le devine.
Il y a ensuite un mécénat de la SG sur lequel ladite SG récupère. Combien ? Toujours 66% de son investissement, ou la loi Aillagon a (enfin) été modifiée ? Sinon, c'est le/la contribuable qui paye pour l'immense générosité de la SG.
Il y a enfin l'étalage de bons sentiments. La SG permet à des exlu(e)s de la Philharmonie d'y entrer. On fond d'émotion. Mais on ne se retient pas de penser que trop de gens sont exclus de la culture, par insuffisance de ressources, par précarité, par chômage, par un mélange d'Hanouna et de "réseaux" si peu sociaux, qui les plaquent au sol, les asphyxient, leur interdit l'accès à l'imagination, à la création, à la liberté.
Et que cette verrue-là, avec toutes ses collègues, la Société Générale en est largement responsable.

Par ailleurs, ce fut un beau concert.


dimanche 13 novembre 2022

Boyard, Garrido, Mélenchon, les épiés dans le plat Hanouna

Pourquoi tout ce bruit autour de la sortie de Louis Boyard de l'émission de Cyril Hanouna, le 10 novembre ? Certain(e)s ne comprennent pas ce qu'un Député de la République allait faire dans un tel marigot de nivellement par le plus bas possible, plongeant la République qu'il représente dans un bac à indignité structurelle, et pensent qu'il n'a reçu que le gros, gras et odoriférant boomerang qu'il méritait. Les mêmes pointent les émargements réguliers de Raquel Garrido à l'émission, et les caresses doucereuses administrées par Jean-Luc Mélenchon à l'animateur un jour que le premier était l'invité du second sur son plateau.

La simple histoire de la société du spectacle, sa contradiction manifeste avec les idéaux officiellement portés par La France Insoumise, leur donnent raison. L'auteur de ces lignes partage une part de leur incompréhension, doublée, pour lui qui reste partisan de LFI, d'un embarras haut comme la Tour Eiffel.

La parole est à la défense
Le spectacle est le cheval de Troie par lequel le capitalisme contrôle une bonne part de la population, achetant à vil prix (publicitaire et racoleur) sa passivité, sa résignation, l'orientation de sa colère vers les cibles que cette même société du spectacle lui désigne : les bons à rien, les incapables, les grévistes, les immigré(e)s, les politicien(ne)s (dont... les parlementaires).

C'est la fameuse conquête culturelle du pouvoir, extension improbable de l'idée gramscienne.

Partant, tout/e partisan(e) de la conquête du pouvoir par le suffrage universel sait que, tant que le pouvoir n'est pas conquis, se pose la question de ce face à face si inégal, injuste, et même monstrueux, entre le spectacle et sa proie, la part de la population qui l'ingurgite par voie de télévision. Peut-on laisser le champ libre à Hanouna, et d'autres (dont son employeur Bolloré), pour qu'ils instillent dans les têtes leur mélange de chaos, d'irrationnel, et de néant de l'intelligence ? Non, ont très vite répondu Garrido et Mélenchon : il faut intervenir dans le champ du spectacle, au besoin aller sur le terrain-même de Bolloré, casser le menottage et l'asphyxie des esprits par les marionnettes de l'écran.
C'est ainsi qu'on vit Mélenchon sur le plateau de Drucker en 2010. Première d'une série aujourd'hui longue d'apparitions à l'écran.
 
A la décharge des deux, on pourrait ajouter que coller au plus près des gilets jaunes comportait le danger de la confusion avec leurs éléments d'extrême droite, ou avec des revendications populistes de droite, comme la diminution du nombre de parlementaires et de leur salaire.
Mais il fallait coller aux gilets jaunes, à la réalité incontournable qu'ils incarnaient et qui s'imposait à nous. Et à nous d'impulser nos messages, dans le fatras idéologique qui était le leur. Tout a été dit, sauf  le soutien d'organisations et personnalités, de gauche ou d'ailleurs, qui a permis d'ancrer la plupart de leurs revendications dans le champ social, et d'éviter leur assimilation à l'extrême-droite.
Comprenons : il faut être avec le peuple, même et surtout quand il est en mauvaise compagnie. Etre avec lui, pour tenter de changer le disque infernal sur lequel le capitalisme communiquant l'a branché.

Toute la question est là : la participation à un "show", "talk show" ou autre marotte de l'industrie du divertissement, permet-elle d'atteindre l'objectif ? Encore faut-il savoir lequel. Comme le rappelle Jean-Pierre Rioux (Les enfants de Jaurès, éd. Odile Jacob), l'édification et l'élévation du peuple sont une finalité du socialisme. Si l'émission du candidat Mélenchon avec Drucker en 2010 permit de délivrer quelques messages (dont celui de Pierre Laurent, présent sur le plateau), participer à une émission d'Hanouna est, en revanche, la promesse du vide se sens, d'accroître le désarroi des spectateurs/trices face à la politique, et de dégrader encore son image.
Dans le capharnaüm et les démélés agressifs entre Louis Boyard et l'animateur-mauvais clown, on peut craindre qu'aux yeux de beaucoup il n'y ait eu d'autre vainqueur que le bruit, et d'autre bilan qu'un renvoi dos à dos des deux brailleurs.

Reste le principe, inattaquable : oui, il faut faire ce qui est possible pour contrarier l'intraveineuse permanente de la dé-civilisation néolibérale dans les veines populaires. Avant une remise à plat totale de l'information, et sa redéfinition comme un bien commun, lorsque le pouvoir aura vraiment changé de mains.

Le possible est mince, on le sait tous. Convenons que lorsqu'il relève du fil de fer, il n'y pas lieu de le tenter. Mieux vaut sans doute porter les efforts ailleurs.






 

dimanche 4 septembre 2022

LA "RENTREE LITTERAIRE" , GROS PUDDING SAUCE MERCANTILE

La lecture, la culture, sont une science-fiction secondaire, observable dès le mois de mai de chaque année. Se met alors en place un rouleau compresseur délirant et autiste, nommé "rentrée littéraire".

En mai, tous les titres éligibles à "la rentrée littéraire" sont prêts pour un circuit, aussi rôdé que démentiel, auquel les éditeurs bien en chair ont accès (c'est plus délicat pour les autres) : présentation aux libraires, enseignes, journalistes. Les représentant(e)s et autres commerciaux centraux partent ensuite en moisson de commandes, les attaché(e)s de presse de batailler pour que Virginie Descente ou Amélie Entrombe ait sa critique en page de droite, les services de publicité de décrocher des budgets-pub à même de faire manger la poussière aux maudites campagnes récurrentes de Galligraseuil, relayées aujourd'hui par Laffayarbin-Michel. 
C'est ainsi que, de mi-août à fin septembre, plus de 500 titres saturent les librairies et le marché dans son ensemble (711 en 2010, 580 en 2017, 521 en 2021). 200 de moins qu'il y a 10 ans : moins un signe de sagesse d'éditeurs ayant réalisé la vanité délirante de cette foire, que d'une baisse constatée de la lecture et des ventes.
(Ciel, ma demande !)

Une mêlée qui vise, évidemment, de la part des producteurs et de leurs groupes tutélaires, à tirer les budgets de rentrée vers les achats de livres, occuper plus de tables et de place que leurs concurrents dans les librairies (et aussi chez un prédateur en ligne), et réaliser du chiffre d'affaires. Bien sûr, les mêmes sont dans les préparatifs de fin d'année, donc dans les budgets prévisionnels : hors de question, aux trois quarts de l'année, de louper la marche d'août-septembre, encore moins d'affronter la mine déconfite d'Emmanuel Norrère et Amélie Carthomb et de leurs agents face à des ventes insuffisantes. Car alors ne resteraient, pour tenter de garder le moral, que la loterie des prix littéraires et le boom de fin d'année.
Bienvenue dans le marché du livre.

Mais l'opération-raid "rentrée littéraire" ne se contente pas de mobiliser la chaîne du livre tout entière, de déchaîner les critiques, de prendre à la gorge un public en diminution d'amateurs de livres, et de l'enjoindre à consommer.

Elle acte d'abord une politique de l'offre version matraquage : voilà des centaines de libraires, tenu(e)s de suivre le mouvement, d'ingurgiter du jeu d'épreuves à la pelle de mai à juillet, s'ils veulent faire leur métier de sélectionneurs face à un tel raz de marée orchestré par leurs fournisseurs - et, au passage, maintenir leur taux de marge.
Elle façonne l'esprit de la lecture : au plaisir de la découverte, à la déambulation curieuse entre tables et rayons, au choix lent, parfois hésitant, elle substitue l'injonction : c'est la rentrée, les enfants, à l'école, et vous, achetez des livres, point. Et le/la consommateur/trice - lecteur/trice de voir s'ouvrir devant lui/elle les bras et sourires Gibbs-Colgate des Yasmina (Khadra), Isabelle (Carré)  Muriel et d'autres, sur France 5 (La Grande librairie) dans un JT ou deux, dans presque toute la presse écrite numérique ou papier.

Ce blitzkrieg de stocks et de marketing ne concerne pas que les livres, ni la seule "rentrée littéraire". Les campagnes publicitaires éditoriales émaillent toute l'année, avec, en particulier, les lancements des Anna de Rosnay, des Tatiana Gavalda, des Philippe Adam ou des Jean-Philippe Blondel.
Le parasitisme de la "rentrée littéraire" tient dans la concentration de tant d'offensives sur si peu de temps. Comme si le fameux temps de cerveau disponible n'était envisageable qu'indisponible, sans attendre, dès la fin  des vacances.

Evidemment, nous dit-on, les stars littéraires ne sont pas les seules publiées, on n'oublie pas les autres, tous les autres !
Vraiment ? Sur toutes les nouveautés de "rentrée", combien sortent du lot, obtiennent des ventes raisonnables, combien d'auteur(e)s se font réellement un nom ou confirment-ils/elles leur place sur le marché du livre ? En réalité, la "rentrée littéraire" est l'occasion d'un bouillon consistant dont beaucoup d'auteur(e)s peu ou pas connu(e)s, ainsi que leurs éditeurs, font les frais.

Ce serait "le jeu".

La belle affaire ! Peut-on parler de "jeu" s'agissant de lecture, de culture, et d'un produit, le livre, dont le destin tient dans une alternative simple : il survit (au smartphone, à l'accélération de la vie, aux angoisses du futur...), ou il crève ?
Le livre est un marché mais n'est pas réductible au seul marché. La "rentrée littéraire" flatte quelques acteurs et actrices du marché du livre mais ne fait aucunement progresser la lecture en France. Elle passe à côté et au-dessus du seul public à conquérir si l'on veut espérer donner au livre un avenir : les jeunes. Elle occulte une donnée économique et sociale si fondamentale qu'on ne voit qu'elle : une pauvreté montante, la crainte de plus en en plus forte du déclassement et du chômage, et une valeur culture embarrassante pour les pouvoirs publics - et dont la popularité a rarement été aussi basse, sont la promesse du naufrage, pour les livres et la lecture, et pour la "rentrée littéraire" qui est leur enfant de hasard.

En attendant une prise de conscience de l'enjeu de survie qui est devant nous, dont l'idéologie néolibérale triomphante paraît totalement incapable, le souci majeur du marché du livre, comme d'autres marchés, est de produire. Un éditeur bien en chair, fournisseur à sa maison-mère de PMT, de résultats avant impôt et de dividendes, sait combien il a vendu du dernier Guillaume Levy, ou du dernier Amélie Angot. Mais il a promis un + 15, + 20 ou + 25% de ventes à leur agent pour leur prochaine merveille, objectif : éviter qu'ils/elles aillent signer ailleurs. Les dernières ventes en date sont un point noir, effaçable par un coup de challenge à même de faire place à une réalité plus virile, combattante, agressive : produisons. Et place à de futurs contrats à l'avenant.

Comme le hurlait jadis John "Rotten" Lydon, "no future !"

mardi 30 août 2022

REVOILA LES SOCIAUX-MEDIOCRATES


La gauche est morte de la social-démocratie, elle ne pourra renaître que sans la social-démocratie. C'est aussi simple que ça.

                                                    Vous avez dit "Social-démocratie" ?

Clarifions. On ne parle pas ici du premier parti social-démocrate russe, mais de cette bifurcation du socialisme qui consiste à travailler avec l'adversaire politique et économique, sous prétexte d' "ouverture", de "décloisonnement" ou (spécifiquement aujourd'hui) de "pragmatisme".
Le phénomène connut des manifestations diverses, très différentes selon les cas.  Ebert, dirigeant du SPD et du gouvernement allemand, anti-marxiste acharné, fut l'artisan de la répression des soulèvements spartakistes de 1919. Jaurès approuva l'entrée d'Alexandre Millerand dans un gouvernement bourgeois, pour soutenir la République menacée par l'anti-dreyfusisme - y voyant la possibilité d'infléchir le gouvernement. Après la 2ème guerre mondiale, la social-démocratie se rallia au bloc de l'ouest contre l'URSS, et, point culminant, s'aligna sur la mondialisation néolibérale.

Il y eut des contre-feux à l'intérieur du camp socialiste. En 1971, à Epinay, était créé le nouveau Parti socialiste, animé par une volonté affichée de rupture avec le capitalisme et d'union avec le PCF. Sous la pression forte du CERES et de son leader J.P. Chevènement, avaient été rédigés le programme socialiste "Changer la vie", prélude au Programme commun de gouvernement avec le PCF et les radicaux de gauche.
Peu avant, trois co-fondateurs du CERES (dont et surtout J.P. Chevènement) avaient publié aux éditions du Seuil, sous le pseudonyme de Jacques Mandrin, un livre, "Socialisme ou social-médiocratie". Le titre du présent libelle y trouve sa justification.

Parenthèse socialiste qui dura 12 ans. En 1983, le PS français entama un lent mais sûr rapprochement avec les social-démocraties européennes et, surtout, allemande. Rapprochement quasi-fusionnel, basculement dans le néolibéralisme, avec pour effets le ralliement de socialistes au gouvernement d'E. Macron en 2017 et le basculement d'ancien(ne)s député(e)s socialistes dans sa majorité.

Historiquement, la condamnation du marxisme pousse des personnalités socialistes vers la tangente sociale-démocrate, quand d'autres y adhèrent directement. A partir de 1917, la social-démocratie s'est voulue un rempart contre le bolchevisme et l'URSS, et, dans sa version contemporaine, post-soviétique, elle s'inscrit dans un courant de démocratie "antitotalitaire". Selon elle, l'acquisition d' "avantages" par la classe ouvrière, les classes défavorisées plus tard, passe par l'adhésion à l'économie et à la culture de marché.

                                                           Rien à tirer de la social-démocratie ?

En France, le bilan de la social-démocratie se confond avec celui de Hollande, Président officiellement socialiste, qui entendait convertir définitivement à la social-démocratie un PS trimballant à la fois son héritage de "parti d'Epinay" de 1971 et un néolibéralisme assumé. Exit donc Epinay, viva un quinquennat voué au capitalisme financier, déguisé en "économie de l'offre". Place à un brouillage total des pistes, et de la perception populaire de la gauche, désormais assimilée à la compromission avec son adversaire capitaliste de toujours. Voie ouverte à toutes les confusions, et à un cocktail désormais bien connu d'extrême-droite et d'abstention électorale massive.

Pourtant, tout n'était pas à jeter. Le malheur, pour la social-démocratie française, fut de s'allier avec sa consoeur allemande au sein d'un parti socialiste européen majoritairement néolibéral. S'inspirant des sociaux-démocrates scandinaves, elle aurait pu porter des idées et des pratiques fortement redistributives et socialement libérales, pour arriver à quelque chose ressemblant au réformisme révolutionnaire et à la révolution réformiste, invoqués par François Ruffin.
Sortir d'alliances véreuses ? Rocard, Delors (anagrammés par "Le Canard" en "Dollar record"), Strauss Kahn, Hollande, puis toute une génération biberonnée au néolibéralisme, avaient l'oeil trop rivé sur les promesses divines du marché pour y renoncer. C'est ainsi qu'apparurent les dérégulations massives et les traités (Maastricht, le TCE, Lisbonne), soutenus par nos "socialistes". Et la social-démocratie de sombrer, jusqu'à l'apothéose sanglante de 2022.

                                                                 Le bal des turlupins





Renoncèrent-ils ?
La claque de 2022 fut historique.
Le cadavre, décomposé.
Il se trouva des lucides et courageux pour comprendre qu'une cure de Nupes éviterait aux socialistes français de finir, sans gloire, dans le même caveau que leurs colocs sociaux-démocrates.
Mais pour d'autres la leçon ne suffirait jamais.
Le calice n'était pas assez bu, ni la cigue assez avalée.
On n'avait rien compris.
Ainsi, un dompteur bouffi, un ancien greffier de hasard, et leur troupe en haillons du cirque social-démocrate tentent un retour sur la place du village. Carrousel pathétique et défi à la rationalité. Quelle pitrerie, construite sur le fameux "la république c'est moi" d'il y a déjà quatre ans, ne tenterait-on pas pour refaire une expédition punitive collective, au détour d'une petit retour au gouvernement... 

On m'objectera le fameux "combien de divisions?", et à coup sûr les bataillons sont clairsemés. Mais le ver dans le fruit ne renonce pas comme ça, les ancien(ne)s et très ancien(ne)s l'ont retenu des Assises du socialisme de 1974.

Reste que la gauche peut sortir de la brume. Déjà le travail entre organisations de la Nupes, l'apprentissage d'une existence commune en même temps que d'expériences séparées, permettent d'espérer un scénario d'intelligence contre la prévision répandue d'éclatement ou de mort lente. Le pire est toujours sûr, sauf quand l'intelligence s'en mêle.
Mais, alors que le procès en "extrême gauche" va croissant, la double injonction d'être soi et constamment soi, en versant positif, et de repousser (versant négatif) la tentation d'inflexion et de "modération" qui est le faux-nez du renoncement (et dont la social-démocratie est la télégraphiste zélée), dicte à la Nupes une feuille de route, ardue, périlleuse, pleine de pièges et d'embûches.

Et il n'y en a pas d'autre. La reconquête du pouvoir par son seul détenteur légitime, le peuple, en dépend.




mardi 25 janvier 2022

Mon journal pendant la drôle de campagne (1)

 Ouvrons sur un conseil de lecture. Le livre ci-dessous est conseillé à celles et ceux :

. Qui, parents de triplés mâles, les ont tous les trois baptisés Jean-Luc,

. Qui acceptent l'élection de Jean-Luc Mélenchon à la présidence de la République, moyennant la garantie qu'il mourra la veille de son investiture,

. Qui ont vu la naissance de la France Insoumise comme une nouvelle sortie de Lazare de son tombeau,

. Qui souffrent de dérangements intestinaux et d'affliction morale à la vue du logo de la FI.

La campagne est froide. Est-ce parce que nous n'avons pas, toutes et tous, réalisé que nous ne sommes pas encore au bout de la décomposition sociale orchestrée par la globalisation néolibérale ?

Il y a comme un accomplissement, dans ce que nous traversons. Nous, qui savons ce qui a commencé il y a cinquante ans, le façonnage d'une inégalité planétaire d'intensité et de cruauté inouïes, et la préparation d'un chaos social et écologique. Cet ordre économique mortel, nous savons qu'il vacillera, et aussi que ce ne sera sans doute pas de notre vivant.

Il y a comme l'accomplissement du rêve de Milton Friedman. Sa double victoire : l'humain d'abord, entendre par là une créature brute, programmée pour imposer sa barbarie existentielle, une planète à l'agonie sous les coups de ce locataire avide de la dominer, pour la saccager à bon droit ensuite.

On aura compris que l'humain de Friedman et des Chicago boys n'est pas le même que celui du slogan électoral du PCF. Celui-là est éduqué, sensible et conscient, quand celui de Friedman est un tyran à l'état natif dont la vocation est de le rester jusqu'à sa mort à lui, et à celle d'autrui. Reste le slogan, et la confusion qu'il porte. D'importance mineure. L'auteur de ces lignes est probablement seul à la détecter, il s'en repent. Tout en n'en pensant pas une miette de moins.


QUE LE COUPABLE LEVE LE DOIGT

On a, toutes et tous, nos recettes explicatives du pré-désastre actuel - encore qu'il n'est pas encore écrit. Ah, si on avait fait ceci, ah, si on avait été écoutés, ah, et ah, et encore ah... Mais contre l'enchevêtrement implacable de néolibéralisme, de mur de Berlin, de social-démocratie embarquant dans son agonie des chargements de rêves sociaux, et de renaissance mille fois différée d'un courant social fort, les conditionnels passés s'annulent d'eux-mêmes. Devraient tomber dans l'oubli, mais ce serait aller contre nos besoins d'avoir raison contre l'histoire. Le premier, la première qui osera encore un "on aurait dû..." portera le bonnet d'âne de gauche.

En attendant de trouver un(e) coupable, qui sera toujours l'autre ou les autres, il n'y a que l'espoir à proscrire et le travail à prescrire. L'auteur de ces lignes a horreur du travail dans sa version économique, il ne voit que lui, le travail, avec nos intelligences et notre goût pour le bonheur, pour ne pas sombrer.

Et nous sommes des gens de travail, d'intelligence et de bonheur : nous n'allons pas sombrer.


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Quelqu'un qu'on sait être qui il est sans se douter qu'il est plus proche de celui qu'il n'a jamais été.