samedi 30 mai 2009

Jauni le crétinou


Sacré Jauni.

Cette chose appelée "blog", qui se réfère depuis le premier jour à Marceau Pivert, personnage-clef du socialisme, s'ouvre exceptionnellement à ce que la société du spectacle a pu créer de plus parasitaire en France ces 50 dernières années; l'auteur de ces lignes a bénéficié d'une invitation à assister à un de ses derniers concerts .

...Prologue...
Un concert du Jauni, c'est une fois et demi la population de Sevran, souvent des gens modestes, qui s'entasse dans le stade de France pour écouter et voir un homme qui, en 50 ans de carrière, n'a jamais écrit ni composé. Jamais rien créé, pas même un son de guitare.
Il a rempli le stade trois fois.

Jauni. Juste une image, changeante à travers les décennies; histoire de durer le plus longtemps. A ses débuts, fade ersatz d'Elvis et de Cochran parrainé par Line Renaud; puis jeune Français moyen, faux rebelle et vrai conformiste au coeur des 30 glorieuses, copieur de la culture anglo-saxonne et acquis à la variétoche gauloise et gaulliste; puis insupportable réplique des hippies US, miroir déformé de la contre-culture des 70s à laquelle il ne comprenait rien, et enfin, depuis 30 ans, image de synthèse : rockeur (encore que...) grognon giscardien chiraquien et sarkozyste, ingénu innocent avide d'amûr, en butte aux saloperies du monde avec pour seules défenses sa moto et la mûsi-queu, le plus souvent insipide.

Et lui, richissime.

... Le concert, à présent...
Marceau, planté entre Saint denis et Paris se tient aujourd'hui le stade de France. 80 000 places.
Ce 29 mai, tout le stade de France attendait l'entrée en scène de Jauni, comme jadis on appelait Baubet à démarrer le tour du vel d'hiv ou Maurice à enflammer la Fête de l'Humanité. On ne soucissonnait pas, ce 29 mai, on n'attendait pas de changer le monde, d'abattre les valeurs bourgeoises, redistribuer les richesses, abolir les inégalités.
On attendait Jauni.
Le jour tombait peu à peu. Et tout à coup, Jauni est apparu !


"Jauni", hurlait la foule.
Puis une voix s'est fait entendre face à Jauni, assez puissante pour couvrir toutes les autres :
"Va donc, vieux schnoque!"

C'est alors que Jauni s'est emparé du micro et a répondu, de sa voix forte :
"Toi, ta gueule, Féééééérme-la ta gueule !"

Derrière lui est apparu son orchestre, ainsi a commencé le concert.


Une légende, le Jauni.
"Toi, ta gueule" terminée, il s'est planté là, au milieu de la tribune. Fixe.
Quelques privilégiés ont pu l'entendre marmonner "Debû, les damnés deu la téééé-reu", le voir lancer en l'air un poing rageur. Fixer les 80 000 personnes qui le fixaient. Et pleurer une larme de coke.

Puis, se souvenant vaguement de pourquoi il était là, le Grand Jauni a désigné la foule du doigt. 80 000 personnes cherchaient à droite, à gauche, derrière ou devant eux qui le Maestro désignait ainsi.
Un râle, un filet de bave, et il a recouvert tout le stade d'un vibrant "Oh l'Ami, si tû savé, tû le mal que l'on m'a fé".
Et là, surprise, j'ai compris qui était la cible de son courroux :

C'était moi.
Il m'en voulait, Marceau, je ne savais pas pourquoi.
J'aurais aimé abréger sa peine, lui dire "allez, coco, pas que ça à faire, on va tous gagner du temps, tu vas rentrer dans ta loge, te faire une ligne, descendre ta fiole de whisky et rentrer chez toi. Viens, j'appelle Laeticia si tu veux. Viens, mon Jauni!"

Mais je n'ai pas pu, ou pas su.

Désespéré, le géant, septuagénaire ex-idôleu dé jeu-neu, a resaisi son micro, hagard, perdu et flattant manuellement son entrejambes. Secrètement (mais j'ai tout entendu) sollicité un souffleur derrière lui : "Dédé, la suivante, c'é bien "Quelque chose en nous de Kujawski"?. Puis, à la face de ce monde hostile, Jauni a crié "Poire c'est poire, il n'y a plus de poire".


On atteignait un degré rare de complicité avec un public pourtant acquis.

Le Jauni de génie a évoqué d'un ton déchirant sa rupture avec sa dernière conquête, une allemande. "Il est tombé, l'amûr de Berlin", a-t-il sobrement commenté en s'ouvrant les veines.

On en frémissait. C'était du vécu, du vré deu vré au quotidien, qui pouvait être aussi vré comme Jauni?


Puis, à une jeune Fan montée sur la scène pour exhiber sa poitrine devant son idôle, l'animal magnifique, entre deux rots, a sussuré à son micro : "ah que viens poupoule", puis lancé : "Les boutons de ton chemisier, lentement vont se refermer".

Quand le sublime Maestro (c'est trop) s'est de nouveau emparé du micro comme l'égorgeur de sa victime, il a réduit son groupe au silence, couvrant le stade de ses deux mains, et, après quelques secondes de silence solennelles, s'est égosillé :
"Quelqu'un a deux balles sur lui, que j'aille me taper une Kro?".

La nuit noire enveloppait Saint Denis et son Stade de France.
C'était la dernière tournée du Crétinou.

Depuis, lumières éteintes et haut-parleurs muets, gens de petit sortis du stade et retournés aux lendemains précaires, Jauni reparti pour le néant où il est mille fois apprécié, des mauvais coucheurs lancent contre lui, lâchement, dans son dos, des accusations fielleuses :

Jackpot pour Johnny

PARIS : Pour le traditionnel concert du 14 juillet, Nicolas Sarkozy a choisi d'offrir aux Français un spectacle gratuit de Johnny Hallyday. Jusque-là, rien d'anormal. Surtout lorsqu'on sait que les deux hommes entretiennent une amitié de longue date.

Sauf que cette récréation coûtera 1 million d'euros à l'État français et que la moitié de cette somme est destinée à la rémunération du chanteur. Johnny Hallyday devrait ainsi toucher 500.000 euros. (soit 327.950.000 anciens francs !) pour 3h de spectacle ! ...

Smicards, chômeurs soyez cons ... allez l'applaudir ... il s'en tape de vos misères !

Un comble qu'il reçoive cet argent français alors qu'il a choisi de s'exiler en Suisse pour payer moins d'impôts! "Je suis d'accord de payer des impôts, mais il y a une limite", déclarait-il il y a peu. L'hôpital se foutrait-il de la charité?

Deux ans après le concert exceptionnel de Michel Polnareff qui avait réuni un million de spectateurs sous la tour Eiffel le soir du 14 juillet, Johnny, d'origine belge et vivant en Suisse, fêtera la Fête nationale française !
Ce concert sera bien plus lucratif pour Johnny que les autres dates de sa tournée d'adieux. En effet, il ne touchera que 200.000 euros par date. La tournée lui permettra toutefois d'empocher 20 millions d'euros. Un beau petit pactole pour son départ à la retraite !

Marceau, la réussite, le talent feront toujours des envieux et des aigris.


mercredi 27 mai 2009

De l'hypocrisie proverbiale des métaux non-ferreux



























"Il y eut le marché, il y eut un lendemain,
Et puis plus rien"

Marceau, celà fait plus d'un an. En juin 2008, on découvrait, pauvres benêts, que l' économie de la planète était bâtie sur de la valeur artificielle issue des fameuses subprimes. Les banques payaient et se payaient avec de la richesse virtuelle, dans tous les circuits économiques et financiers circulaient des actifs "toxiques", sans réalité. Imagine, Marceau, tu achètes ton pain à ton boulanger à crédit pendant une semaine, lui se sert de ta promesse de paiement pour acheter sa farine, et la semaine passée, au moment de payer, il s'aperçoit que ta monnaie ne vaut rien. Tu ne peux pas le rembourser, lui ne peut pas payer sa farine acquise sur la foi de ton paiement. Tout le monde est dans la panade.

On aurait pu arrêter la tempête en nationalisant Lehman Brothers, quand on a réalisé que ses actifs pourris mettaient son existence en péril, et celle de tous ses créanciers et débiteurs; mais "on" a refusé de sauver Lehman et ainsi administré au monde, et aux plus faibles du monde, une punition qui se mesure en misère, en malheurs, en peur.

On a voulu nous faire peur, c'est bon, les gars, l'Humanité a la trouille, plus aujourd'hui qu'hier.



Quel challenge !
(Marceau, faut prononcer "tchallèneje")








Cher Camarade

L'été a commencé à partir, les jours les plus longs de l'année sont déjà derrière nous.
Souviens-toi, Marceau, c'est encore si proche, ces trois derniers mois où la nuit cédait au jour, un peu plus chaque jour, les jours s'étendaient, ils ajoutaient au temps de vie, au plaisir du lever à découvrir dehors des ciels pacifiques et les végétations en croissance. Oui, vrai, ce mois de juillet qui commence va être beau aussi, jamais rien n'égalera cette échelle qui de janvier à mars nous hisse de l'hiver au printemps, et vers l'été.

Appelle-nous, Marceau, viens prendre un Ricard ou une Suze, et tu verras notre rue et notre jardin, tu verras Cathrine le matin sourire aux arbustes qui poussent et à l'herbe verte qui nous entoure. Elle sourit plus tard aussi mais c'est moins évident. Ca se conquiert, quoi...

jeudi 21 mai 2009

Chroniques de la survivance - questions à Stefan Zweig

"Une cuillère de marché, trois mesures d'insanité"

"Tout en Europe marche avec une force irrésistible vers l'anéantissement, et je reconnais encore une fois que ce ne sont jamais les sages, jamais les penseurs qui forment le tissu dramatique de l'histoire, mais les grands monomanes, les lunatiques, qui ne voient (que) leur idée, une idée, qui peut guérir le monde - et en vérité, il en meurt."
Stefan Zweig à Romain Rolland, 1935

Grand Stefan Zweig, votre absence est notre plus grand malheur. Il y a péril à l'écrire, tant l'évocation du passé attire sur vous le soupçon de fuir le présent, de haïr son temps, les autres, et soi-même, évidemment.

Allez sussurer le lien ténu entre un passé assumé et maîtrisé d'un côté, et le progrès de l'autre...
Bien du plaisir, cher Stefan.

S'adresser à Stefan Zweig... Orgueil et présomption, ou plutôt non, bien plus modeste : j'avais en tête le mot Liberté, et c'est tout naturellement que votre nom m'est venu, vous qui avez revendiqué la Liberté avec plus de grandeur et de légitimité que quiconque dans l'Histoire.




Cher et grand Stefan Zweig, je déplore votre absence. Les pays d'Europe vont élire un parlement européen que, vivant, vous pourriez présider de plein droit; incarnation de la volonté d'Europe, porteur d'une idée de grandeur européenne indissociable de la culture et des valeurs humanistes, quel regard porteriez-vous sur l'Europe de 2009?



L'Europe d'aujourd'hui vous laisserait sans doute tiraillé. Comme tant de fois dans votre vie.
Vous constateriez une volonté moderne d'Europe, succédant à l'énergie fondatrice des Robert Schumann et Jean Monnet aux lendemains de la guerre; vous seriez séduit par cette frange de politiques allemands et français dont les discours résonnent encore de l'amitié franco-allemande, de l'Europe comme antidote à la guerre.

Sans aucun doute verriez-vous avec sympathie la tournure quasi-exclusivement économique de la construction européenne; du commerce comme outil de rapprochement entre les pays, de contact entre les Peuples.

Les inconditionnels de l'Europe telle qu'elle est ne vendent que ça : de l'économie, du commerce. Et pas n'importe-lesquels : de l'économie et du commerce "libres"; une telle Liberté va de pair avec l'effacement des Etats, et vous avez imputé aux Etats, à juste titre, la responsabilité de la guerre.
Vous n'auriez rien, je le crois, contre cette Europe-là.

Cependant la place de l'Etat a changé.
Jusqu'aux années 80, il est resté puissant à l'ouest, dictatorial à l'est; la prise du pouvoir par des conservateurs anglais et américains, l'effondrement du bloc soviétique, en ont sonné le glas, et avec lui les valeurs qu'il incarnait. Dont certaines, cher Stefan, étaient précieuses, tels, en France, la solidarité ou l'intérêt général.
L'Europe s'étant faite relais de la révolution conservatrice anglo-américaine, on est passé de politiques plutôt étatiques au dogme libéral.
Gloire à l'individu et à l'individualisme, exit les valeurs solidaires.



... Et la place aux entreprises, aux capitaux, libres eux aussi, place au chacun pour soi et à la richesse décomplexée jusqu'à l'indécence.

Là, cher Stefan, c'est le militant qui s'exprime




Jacques Delors disait qu'au moment de prendre la première présidence de la commission européenne il avait le projet d'adosser l'Europe à la culture et aux valeurs sociales; ayant fait le tour des avis des chefs d'Etats européens, il avait enterré son projet au profit d'une Europe économique, sur le modèle de la CECA.

L'Europe économique s'est privée d'être aussi culturelle, linguistique.

Culture, échanges entre les Peuples? Rien ou si peu. Osons : dans l'Europe en cours, exit vous-même, et Verhaeren, et Romain Rolland ou Thomas Mann, la place aux marchés financiers; les petits Français apprennent de moins en moins l'Allemand, comme leurs congénères allemands n'apprennent plus le Français. La langue anglaise règne en maître. Non par une offensive règlée contre les langues nationales, mais par abaissement, lâcheté, capitulation devant l'impératif du parler-vite commercial.
Les Cultures nationales s'effacent, les Nations sont données comme en voie de disparition au profit de régions.
On a coutume d'appeler "Empire" les Etats Unis, l'Europe paraît tentée par un sobriquet voisin.

Cher Stefan Zweig, cette Europe ne serait pas de votre goût, mais, j'en suis sûr, vous la soutiendriez. Vous constateriez l'absence vertigineuse et dangereuse d'un modèle autre et meilleur, vous regarderiez l'état des démocraties et civilisations sur la planète et en déduiriez vite l'urgence de la soutenir, cette Europe-là, faute de mieux.
Diagnostic à la fois vrai et terrible.

Aujourd'hui plus d'un européen sur deux n'a pas l'intention de voter aux élections européennes; les européens tournent le dos à l'avenir qu'on leur propose parce qu'on le leur impose, et, parallèlement, les extrêmes droites opèrent un retour bruyant.

Tout le monde sera d'accord pour conclure à la nécessité de plus d'Europe.
Mais faute de contenu identitaire, culturel, citoyen et historique, le "plus d'Europe" réduit aux marchés-rois signifiera plus de néant, plus de vide. Faute d'exemple venant d'en haut, de cette Europe-ravin qui devrait être cîme, se déclenchera le signal attendu par des peuples déstabilisés, atteints de plein fouet par des crises incessantes, pour s'enfermer dans leur coquille d'indifférence et de méfiance. Des autres. D'eux-mêmes. De tout. Le retour d'une extrême droite au pouvoir, en Italie, en Autriche ou ailleurs, ne sera plus inenvisageable.

Et, cher Stefan, on ne peut s'y résoudre. Quand il s'agit du pire, l'Histoire est toujours prête à se répéter.

lundi 18 mai 2009

LE MESSIE EST A STRASBOURG !

"Du marché qui vient à l'esprit"


Que faire, glorieux Camarade Pivert, lorsque ta Fille, citoyenne strasbourgeoise, a intégré une chorale universitaire - joliment nommée EVUS - et chante "Le Messie" de Händel dans une Eglise protestante de Strasbourg?

... Aller à Strasbourg.

Une fois sur place, laisser derrière soi le canal, avec le couple de cygnes élevant leurs trois jeunes descendants à la nage dans le canal et au repos sur les berges, les protégeant héroïquement des passants et des chiens. Laisser le soleil investir la belle Cité qui se laisse lascivement dorer la pilule. Laisser dans le même canal les concurrents du championnat de France de kayak-polo. Passer un temps court et exquis avec la jeune cantatrice avant sa performance.

... Puis, la performance. Le Messie.
Un choeur tout jeune emmené par un chef de 25 ans, et quel chef, Marceau, un orchestre, un "Messie" impeccable, un court moment d'Histoire dont la jeune cantatrice à binocles, au centre sur la photo ci-dessous, est une des 50 héroïnes.

... En tout cas c'était la nôtre.

Que faire, donc?
Se dire que le plus fort de la Vie est fait de ces moments d'exception.

vendredi 8 mai 2009

Gaston, Roger, Bruno, Auguste, saga sevranaise

"Un volume d'air pur, cent volumes de marché"

Sevran en devoir de mémoire et courtes retrouvailles avec Marceau Pivert

« Tous me demandent pourquoi je prête mon nom à l’escroquerie politique étiquetée SFIO. Voilà la vérité : je réponds que mon devoir est d’être là, en contact avec ce qu’il y a encore de sain dans le parti »
Marceau Pivert

C'est le 9 mai.
Jeudi 7, ruée des bagnoles vers les sorties de villes, fuite massive de citadins. Quelques autres restés dans les enceintes, comme ici à Sevran, sont allés parler aux morts de la deuxième guerre mondiale; retrouvailles villageoises, les anciens combattants, le Maire, des promeneurs. Affichage d'unité autour de la Marseillaise, du Chant des partisans et de la mémoire, façade sensuelle et illusoire : la paix n'a toujours été qu'une pause récurrente dans l'Histoire de la vie, ici comme partout.

Ici, la mémoire pourrait s'appeler Denise.
Her name is Denise. Denise Albert.

Cette furibarde ex-résistante native de 1922 résistera toujours. De son vivant, dans l'au-delà. Contre le nazisme, le fascisme, contre tout ce qui pourrait l'empêcher de lever la jambe pour danser sur "Riquita". A 87 ans.

Furibarde. Elle t'accroche par la manche, Marceau, t'agrippe le bras, ne te lache plus, ah, sa résistance à elle, celle de ses copains sevranais Gaston, Roger, Bruno, Auguste, morts devant elle pour certains, le souvenir, ses interventions incessantes dans les écoles, collèges, lycées, ses excursions organisées au Mont Valérien, sa section de la CGT... Denise, un monument. Cette année comme l'an dernier, pour la journée de la libération des camps, elle est intervenue devant la porte de l'école Victor Hugo de Sevran où 84 juifs ont été internés avant leur départ pour Drancy. Avec son manteau rouge, le même depuis des lustres.

Denise en a fait, des conquêtes. Dont celle de son Maire actuel, Stéphane Gatignon. Steph et sa "De-De". Un roman...
Mais ledit Steph est quand-même le personnage central d'un jour comme celui-là. Le Maire, Marceau, le Maire...

Un numéro, celui-là aussi.
On reviendra sur ce croisement improbable de communisme réformateur - terme impropre - né dans un chaudron dans lequel il a croisé les âmes damnées de la IIIème internationale, pêle-mêle, Togliatti, Gorbatchev, et surtout son modèle français, Guy Hermier. Et puis Gavroche et Renaud. Oui, Renaud, le chanteur.
Caractère pas doucereux tous les jours. Humour vif. Pratique de mandat... inhabituelle.



Ci-contre, illustration : le même, présidant les cérémonies de la libération des camps. Aux côtés d'un jeune combattant, en rouge, son fils.




Une commémoration à Sevran, c'est la République en vrai, même en temporaire. Le recueillement n'a qu'un temps, ou plutôt deux : la commémoration elle-même, le verre offert par le Maire ensuite. Au buffet, le vrai-faux ancien combattant frappadingue de droite côtoie, sans lui parler bien sûr, Denise, la résistante communiste; le vieux Bravet , petit-grand bourgeois local à l'aristocratisme emprunté, fixe rendez-vous au jeune conseiller municipal de gauche pour dresser des ponts entre son Lion's club et l'association du jeune élu.
Ca n'a qu'un temps mais, Marceau, c'est un temps sublime.
Et arrosé. Merde, on est en France.

Les batailles de Marceau

Vie de congrès, réunions enfièvrées et enfumées, batailles oratoires passionnées dont l'enjeu est d'abord de convaincre les siens, et internationalisme infatigable.

Tu te reconnais là-dedans, Marceau?

Jacques Généreux l'a dit en quittant le Parti Socialiste pour le Parti de Gauche : c'est important de n'avoir plus à convaincre les siens.
Il est assez fin politique pour savoir que le plus proche, voire le plus intime, est toujours le premier qu'il faut convaincre, ou le deuxième ne le sera jamais; mais on imagine facilement quelle énergie il fallait déployer, avant comme après la guerre, pour amener la mastodontique SFIO dont tu étais un dirigeant à l'audace, à l'imagination et au courage. Front populaire, guerre d'Espagne, pleins pouvoirs au Maréchal, rupture de 1947, guerre d'Algérie, il aurait fallu passer tes nuits Cité Malesherbes pour veiller la Vieille et vénérable dame socialiste pour qu'elle ne faillît pas dans toutes ces circonstances - et, la guerre passée, ne tombe d'abord dans les bras soporiphiques de Guy Mollet puis dans l'épuisette au maillage surfin de François Mitterrand.

Qui démontra comme personne comment retaper une vieille dame, la sortir de sa maison de repos et la mettre au jogging-jus d'orange. Elle devint la jeune fille seyante qu'il re-baptisa Parti Socialiste, fit déménager 7 bis place du Palais Bourbon et emmena dans cet autre Palais qu'elle enrageait de ne jamais connaître, celui du 55 rue du Faubourg saint Honoré.

La patience est l'enseignement majeur du militantisme - démonstration, s'il en était besoin, qu'il me manque des années de militantisme.
Pas drôle, Marceau, pas drôle.

samedi 2 mai 2009

Travailleuses, travailleurs

"Marché noir, idées fastes"

Ca y est, Marceau, pavé battu par... cinq-cent mille, un million de paires de pieds syndicales, de "gauche", trotskystes ou anarchistes.

Premier premier mai syndical unitaire depuis des lustres; regret qu'il ait fallu qu'on aille aussi loin dans la décomposition du "mouvement social" (syndical et politique), et qu'il ait fallu une telle crise, pour que s'impose enfin le bon sens unitaire.

Et l'unité a été large, Marceau ! Le PSOP aurait existé, il aurait navigué dans ce grand cortège entre CGT, CFDT, FO, CFE-CGC, UNSA, CFTC, PS (bien sifflé), PCF, Parti de Gauche, NPA, LO... et Modem! Oui, Camarade Pivert, tu as bien lu, les démocrates-chrétiens se sont invités aussi. Incongruité explicable par la stature hors-norme de leur Président, de loin le plus intelligent des leaders centristes depuis des lustres. Et le plus à même de ratisser un peu large, politiquement.

Il y avait aussi un bon cortège de Tamouls, ces sri-lankais à propos desquels on parle de nouveau de génocide.

Pour continuer avec ce défilé, je te présente l'actuelle taulière de la maison coco, Marie-George.

Pour elle, l'existence du pcf est justifiée par l'impératif de mettre fin aux horreurs du capitalisme.
Ca devrait relever de l'évidence, du quasi-mécanique, mais, bon sang, c'est l'inverse qui se produit - en tout cas jusqu'à présent : à mesure que s'enchaînent les horreurs capitalistes, le pcf décrépite, tourne de l'oeil, vend ses locaux, perd des élus, des militants...
Femme courageuse à coup sûr, Marie-George. Celà dit, attendre le salut du pcf des conneries du capitalisme en dit long sur l'état intellectuel du Parti. Mais passons.




Lui, c'est Mélenchon. A sa gauche (à sa droite sur la photo), un archi-fidèle, François Delapierre. Ah, ce Mélenchon, Marceau, il aurait débarqué de son Algérie natale dans les années 30 pour rejoindre la SFIO métropolitaine qu'il t'aurait tapé dans l'oeil. Tu vivrais aujourd'hui, tu trouverais la ressource pour lui faire ses collages. Dans les deux cas on vous retrouverait tous les deux aux petits matins bleus dans des guinguettes des bords de Marne, ivres-morts, éructant L'Internationale entre deux renvois de gros rouge et les mains sous les tabliers des tenancières. Du propre.
La gau-gauche française, ce chef d'oeuvre ultra- périssable, génère parfois des personnages d'exception à même de la tirer d'imbroglios politiques inextricables. Les dernières décennies n'ont manqué ni de ces situations, ni de ces personnages, comme Chevènement et Mélenchon. Tous deux ont usé leur carcasse au PS et en sont partis, après avoir l'un et l'autre, avec des analyses politiques différentes, diagnostiqué des poisons mortels au sein-même du PS et dans ses évolutions.
Notre grand Parti de la gau-gauche s'empare généralement des idées de ses scissionistes, pour digérer ensuite, dans un même élan, les idées et leurs géniteurs. C'est arrivé à Chevènement, Mélenchon livre une bataille héroïque pour éviter le cap Horn, et le bougre pourrait bien y arriver, quand Chevènement campe une stature de républicain intransigeant qui ne peut plus transiger avec personne, faute d'auditoire... Chevènement a la culture et la patience, Mélenchon y ajoute une dimension libertaire, plus sa faconde colérique et pédagogique.

... Et comment conclure sans mentionner l'immarcescible, l'inoxydable...




... ARLETTE !


La bonne maman de la lutte ouvrière bat le pavé comme aux premiers jours, d'une santé comme peut seule en construire une belle vie militante.





... Et je ne résiste pas, voilà mes deux militantes à moi, les Reines du 1er mai, travailleuses de choc et raisons d'être du défilé, à elles toutes seules :





... Oui, oui, Marceau, bien compris, tu aurais aimé voir leur frimousse, et pour tout dire : moi aussi. Mais les diablesses apprécient peu les objectifs d'appareils photos. Mon drame.







Voilà, Marceau, ce fut une belle journée, jamais aussi belle que le 1er mai 1936, assurément.
Nombreux étaient les poings levés, adoubés par un grand soleil, "L'Internationale" était chez elle partout dans le cortège (oh, pas de mystère, on ne l'a pas entendue chez les cadres et à la CFTC), personne n'attendait le grand soir de ce long parcours de Denfert Rochereau à la Bastille, tout le monde a, comme chaque année, apporté de l'énergie solidaire et fraternelle, de ces petits cailloux qui formeront bien un jour - mais je ne serai plus là - un chemin arboré.

Le rêve, l'utopie, Marceau. On n'en a pas fini avec tout ça !

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