dimanche 3 mars 2013

DOUCE GUERRE (Indi-gestions de gauches)

DEFENSE DU PESSIMISTE AVANT LE CATACLYSME

Le pessimiste, tel le poète, aurait toujours raison... 
Audacieux, mais sujet à interrogation, pour le moins.

L'auteur de ces lignes se constate pessimiste, sans se revendiquer tel. Tant de fois et de choses a-t-il prédit à qui voulait l'entendre (pas grand monde il est vrai)...; alerte depuis des lustres contre le système économique dominant, capitaliste néo-libéral, son organisation désastreuse de la vie et sa philosophie de bazar, qui portent en germe selon lui rien moins qu'un danger de guerre sociale ou de dictature. Tant de fois a-t-il, tout au plus, suscité compassion attendrie, franche lassitude ou rigolade... Même chez ses Camarades militants, qui opposent historiquement les vertus de la lutte aux sirènes défaitistes du pessimisme.

Qu'on ne s'y trompe pas. Le pessimiste n'a qu'une attente, que ses visions et prévisions soient battues en brèche par le réel. Son angoisse vient de ce que ses semblables vont dans le sens qu'il a senti, le mauvais, et de son impuissance à le leur faire entendre. Plutôt qu'oiseau de mauvais augure, le pessimiste est une vigie intuitive, qui repère les tempêtes par beaux temps ou les icebergs sur une eau rectiligne. L'humanité qui l'entoure choisit de l'écouter ou accuse son intuition de défaillance.
C'est ainsi que nous sommes quelques-uns à nous distinguer de tant de nos contemporains, qui ont sur le cours de la vie un regard simplement critique, ou se plaignent seulement de troubles de la respiration en météo perturbée, quand nous nous plaignons, nous, d'asphyxie et de menace de mort. Il ne s'agit pas ici de ne pointer que le désastre écologique en cours qui tue lentement la planète, et de classer le danger de guerre sociale parmi ses effets induits, mais bien d'incriminer un système économique, et la philosophie qu'il s'est taillée sur mesure, pour la guerre sociale prévisible à part égale avec le désastre écologique en cours.

Balivernes ! Regards attristés. Le revoilà, avec ses alertes au feu alors que l'on sort de semaines de pluies, sa noirceur quand le ciel commence enfin à se dégager.

Et puis... Dans ''Marianne'' du 2 mars, que lit-on sous la plume de Jacques Julliard ("Ne poussez pas le peuple à bout")? "La plupart des ingrédients présents dans l'Italie puis l'Allemagne des années 20 rôdent autour de nous. Il ne leur manque qu'un catalyseur".
Et bing.
Le même Julliard aurait sans doute levé les yeux au ciel si on lui avait tenu pareil propos dix ou quinze ans auparavant. Catastrophiste ! Sous-marin du Front National ! Anti-européen ! On en passe.
Trop d'optimisme tuerait presque l'optimisme ?

L'ouragan serait donc proche, sans que personne puisse encore en tracer le contour. Seule certitude : s'il arrive et sitôt commencé, chacun en Europe va désigner "ses" responsables et coupables. C'est déjà le cas. "Le Monde" du jour déplore que le gouvernement Ayrault soit privé de sa majorité parlementaire sociale-démocrate. En France, dans un arc libéral droite-gauche, la recherche du méchant loup mettra en avant la CGT et le refus de la flexibilité du travail, le "refus" de l'Europe, le repli sur l'Etat et les Etats-nations, l'Etat lui-même, les chimères républicaines, l'héritage révolutionnaire... En bref, le "conservatisme de gauche", belle invention néo-libérale destinée à accuser de la rage le maudit chien républicain et social qu'on veut tant noyer.

Peut-être se trouvera-t-il quelqu'un pour avancer que s'achève un cycle, entamé aux Etats Unis dans les années 30 et en Europe à la fin de la guerre, de mise en place de régulations et protections pour tenter de faire de l'économie occidentale l'outil du bien commun plutôt que du malheur de tous. Le transfert du travail et des capitaux à l'est et en Asie, la pression simultanée sur les prix et les salaires à l'ouest, avec pour but d'aligner la "compétitivité" de l'ouest, encore protégé par des arsenaux légaux, sur celle de l'est et d'Asie où la loi du plus fort promet un quasi-esclavage à qui ne l'est pas, la révolution conservatrice néo-libérale pour installer le changement dans les têtes, ont mis à sac l'édifice régulateur et ses auxiliaires, les Etats, et livré peu à peu les populations aux mains conquérantes, impitoyables, du "marché", et à ses règles induites : chômage de masse, paupérisation, angoisses, pressions, chacun pour soi.

S'il s'en trouve, j'abonderai.

Il se trouvera des voix, venant de tous horizons, pour dénoncer le saccage de la planète et appeler à une nouvelle régulation écologique, économique et sociale. J'y joindrai la mienne. Quand certaines mêleront au discours écologiste la vindicte contre l'Etat, l'invocation de la société comme seule matrice pertinente de gouvernement (remplacez par "gouvernance", tellement plus chic), je la retirerai.
Ces mêmes qui mettront l'Etat en cause tireront sur une ambulance que 40 ans de révolution néo-libérale ont privée de chauffeur, de pneus et d'entretien. Peu leur importera : derrière le bêlement anti-étatique se cache une mort de l'esprit critique qui constitue la plus belle victoire idéologique et culturelle du néo-libéralisme.

Le pessimiste n'a pas de plus vif espoir que de se tromper, d'angoisse plus tenace que de le rester.
Son drame s'appelle "la gauche", enfin, la grande misère intellectuelle qui en tient lieu officiellement.
Et dont il fera son prochain billet.
Bizarre, en décembre 2012 avait lieu une passe d'armes entre Jean-Vincent Placé et Daniel Cohn Bendit, le premier soupçonnant le second de collusion avec le social-libéralisme, le second accusant le premier d'étatisme chevènementiste. Au-delà de la chamaillerie bien normale au sein d'une même organisation perçait un débat capital, et pas si dépassé que ça, entre les gauches. Et qui ne fit pas grand bruit.

On en reparle.












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