dimanche 10 janvier 2010

DES ESPOIRS DE MARS




"Le marché nous porte
Le marché nous emporte"



Curieux, Marceau, l'hiver frappe chaque année, avec emmitouflements (ces burqas occidentales pour météos capricieuses), réveillons recroquevillés sur famille et amis, neiges, fééries, victuailles grasses, misère et mort. Et personne pour en exiger l'abrogation ! Pas même une attente de changement : l'hiver est roi du marketing. Il nous vend sa dureté, son âpreté, contre la féérie supposée du bonhomme de neige et les cadeaux du 24 décembre (la quête des cadeaux entre dans les stress les plus pompants de l'année), et tout le monde, hormis les victimes du froid, en paraît ravi...

En fait, on vit l'hiver dans l'attente du Printemps. Le pourquoi de notre mystérieux attachement à la vie tient dans ceci : l'instant appelle l'instant suivant. C'est aussi pitoyablement simple que ça, on attend du prochain qu'il confirme le meilleur du précédent, ou qu'il amène une rupture radicale; c'est dans les deux cas l'attente d'une séquence à venir, meilleure ou pire, attente à quoi la vie pourrait donc se résumer. La carotte appelant le bâton, s'enchaînent les séquences, ainsi vont nos assez misérables existences.

("Dites-donc, c'est de la philo de guinguette, vot'truc", me sussure Marceau Pivert, narquois).

D'accord pour trouver l'enjeu attrayant. La traversée des rigueurs hivernales s'achève avec la renaissance de mars; renaître, fendre les coquilles, ouvrir de nouveau une fenêtre sur un ciel annonceur de lumière et de jours en extension... Les croyants de lever les yeux au ciel : quelle meilleure preuve de l'existence de Dieu?

("On vous a appris la laïcité, dans votre Parti de gauche?" renchérit Pivert. Hé, Camarade, on t'a appris à la fermer, au PSOP?)

J'AI HATE QUE MARS ARRIVE !



J'ai hâte que mars arrive. Non pour l'issue de cette pitrerie électorale pesante, mortifère pour les idées de fond, les débats et les enjeux sociaux; bien au contraire, pour en savourer la fin, quelle qu'elle soit. Sans illusion toutefois : l'herbe aura poussé, la végétation se déploiera sous le soleil revenu, et les furibards des scrutins formeront des stratégies pour les futures autres élections. Baston forever.

Est-ce que le mot élection m'agace seulement parce que le résultat de cette régionale sera - sans gros doute - mauvais pour mon Chon-chon et sa Marie-Georgette? Ou bien, avec les joutes convulsives, débats et passions lorsqu'Emmanuel a suivi Gatignon dans l'aventure E.E., ai-je réalisé l'insigne vanité de la kermesse électorale qui s'ébrouait? Ce camp de gauche, où l'on a pas l'air de saisir que conjurer l'effondrement passe par toutes les recherches d'unité, et où la compè-pète électorale avec tracts, affiches et drapeaux n'a d'autre vertu que de se compter en interne, alors qu'autour on (celles et ceux pour qui cette gauche est censée combattre) bascule tous les jours dans l'incertitude du lendemain, ou le dénuement, voire la misère, cette gauche n'a au final qu'une particularité, qui est d'être fatigante.



La démocratie? Quelle démocratie?

Le démocrate pointilleux, qui parraine ce blog sans le savoir, sourcille.
"L'élection est une chance pour les citoyens, ne l'oubliez pas!" assène-t-il dans sa moustache.
On en finit avec ça.
Elle a belle figure, la démocratie. Ce capitalisme effarant a pour effet, sinon pour but, de réduire à la marge notre temps d'analyse, de réflexion, notre temps intellectuel pour tout dire. L'indispensable formation de l'individu à la citoyenneté, le temps d'un débat lucide et argumenté, conditions d'une démocratie assumée, sont relégués dans l'accessoire, optionnel et superflu, par la vie économique à court terme, l'industrie du spectacle qui investit dans la déconnection du réel à coups de budgets faramineux, l'idéologie du mouvement pour le mouvement, et la dévalorisation, consécutive, des échanges d'idées.

Une organisation politique s'empare de l'outil électoral pour faire passer ses idées et se compter; mais le rythme des consultations est tel, dans un temps si court et caviardé, que l'exercice démocratique lui-même est relativisé. Si, en réaction, des organisations politiques responsables suspendaient leur participation à des scrutins usants en temps et en énergie (préparations budgétaire et matérielle, négociations, militantisme, à concilier avec des vies familiale et professionnelle, le tout pesant sur un nombre de têtes en régression constante)pour se consacrer à la recherche de fond, elles feraient plus pour alimenter la démocratie en contenu qu'en participant à mille scrutins dénaturés par leur médiatisation et vides de sens. Un aventin temporaire, une distance, un congé donné donné à des foires d'empoigne illusoires au bénéfice de la réflexion politique de fond (d'aucun dirait "la pensée").

Et mon icône du front populaire de reprendre ses railleries : "mais il me semble bien vous avoir entendu apprécier les rafales de textes que vous receviez de votre Parti de Gauche pour les élections régionales. Quand vous ne râliez pas parce qu'il y en avait trop"...

Soit.
Je rêvais que cette capacité d'analyse et de recul dont il est question plus haut, sublimant l'apparent clivage, conduise à poser la question des affinités entre le nouvel intervenant politique surgi des européennes (un sigle / slogan, "Europe-écologie", et non "Europe et broccolis", comme on l'entend de ci-de là), et le PG, et d'autres. Je mets sur le compte de l'absence de ce recul salutaire, et le besoin immature de baston électorale, que rien n'ait été fait, laissant la différence (et l'indifférence mutuelle) se creuser.



Mais, Marceau, d'un côté (E.E.) on laisse enfler un non-dit pyramidal sur les traités européens (que tous les leaders ou presque d'E.E. ont approuvés), allez ouste, dans le cabinet noir des silences opportuns, de ce même côté on ne réalise pas le danger de l'idéologie régionaliste, de l'autre on ne s'attarde pas sur le corpus d'idées du nouvel intervenant, qui révèle une capacité critique mille fois supérieure à celle des libéraux-libertaires verts de triste mémoire, et donc pas mal de contradictions. Et on tient toujours le nouveau paquet-cadeau écolo dans la suspiscion.

Et donc rien n'a avancé.
Raison pour laquelle, je le répète, j'ai hâte d'être le 16 mars au matin.



Mars. Réalise-t-on que quelques heures de lumière supplémentaires par rapport à l'hiver sont une nouvelle chance de vie?
C'est comme ça, Marceau, je laisse traîner mes yeux, ma mémoire, en roue libre et indolente; le Printemps se déploie et déploie la petite fleur et le grand arbre, des petits minois enfantins aux moulte visages de vulgus pecum pilonnés par l'hiver et qui affichent leur plus hermétique fermeture. Tout éclôt. Le temps supplémentaire, c'est autant de flânerie possible, de contemplation sans objet, d'absence.

("Ben dites-donc, c'est pas 35 heures, qu'il vous aurait fallu. C'est 15 ou 20, avec doublement des congés payés, hé hé". Il me gonfle, celui-là.)

Et voilà. La veille de passer de ma 53ème au début de ma 54ème année, je rêve de ce bond qui me transporterait vers le meilleur, pourquoi pas le beau. Le propre des utopistes est de pousser le rêve aussi loin que possible; j'y mèle le pessimisme, histoire de m'éviter quelques jolis panneaux bien "déceptifs" (paraîtrait que c'est dans le dico, ce mot-là).

Rendez-vous en mars.
A 'humanité, au climat, à la planète de dire, faire, jouer.
A qui veut d'espérer, à nous de commencer à vivre.

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Quelqu'un qu'on sait être qui il est sans se douter qu'il est plus proche de celui qu'il n'a jamais été.